Guerre en Ukraine: comment les missiles hypersoniques russes font basculer l'intensité du conflit

La guerre en Ukraine a commencé par une offensive traditionnelle menées par des blindés, de l’artillerie et de l'aviation. Depuis samedi, elle a pris un virage technologique inquiétant. En deux jours, l'armée russe a utilisé des des missiles hypersoniques pour détruire des positions stratégiques ukrainiennes.
Samedi, un entrepôt souterrain d'armements dans l'ouest de l'Ukraine a été détruit. Dimanche, une réserve de carburant de l'armée ukrainienne dans le sud du pays a été bombardée.
L'usage de ce type d'arme est une première lors d'un conflit. Elles ont été conçues pour mener des attaques très précises, sur de longues distances sans avoir à utiliser des navires ou des avions pour s'approcher des cibles. D'ailleurs, contrairement aux engins utilisés par la Marine ou les forces aériennes, il n'y a pour l'instant aucun moyen d'intercepter les missiles hypersoniques.
Cette efficacité repose sur leur vélocité (jusqu'à 10 fois la vitesse du son), de leur capacité à parcourir des distances de plusieurs milliers de kilomètres et la possibilité de les manœuvrer pour éviter les défenses aériennes.
Enfin, pour ne pas être repérés par les radars, ils peuvent survoler la planète en planant ou en orbite basse. Il est quasi impossible de connaitre l'objectif visé et donc le défendre. Autant d'éléments qui donnent à penser que l'usage de ces armes est aussi un message adressé aux pays membres de l'Otan qu'ils se trouvent ou non sur le territoire européen ainsi qu'à leurs forces armées sur terre ou sur mer.
En effet, ces missiles ont la capacité de redéfinir la stratégie basée sur la dissuasion comme l'indiquait l'Ifri (Institut français des relations internationales) en juin 2021 dans un rapport intitulé "Armes hypersoniques: quels enjeux pour les armées?".
"L’hypersonique n’est plus uniquement envisagé dans le cadre d’une stratégie de dissuasion nucléaire, mais aussi de frappe terrestre et antinavire", indique l'Ifri en rappelant que cette technologie est conçue pour "frapper conventionnellement partout dans le monde en moins d’une heure [...] de plus grosses unités navales, mais également des cibles terrestres".
Actuellement, trois pays disposeraient de ces armes qui remettent en question la stratégie de la dissuasion: la Russie, la Chine et la Corée du Nord.
Inquiétude des Etats-Unis et de l'Europe
La Russie teste ces missiles depuis plusieurs années. Elle en a développé deux types: des balistiques, les Kinjal ("poignard" en russe), qui auraient été utilisés en Ukraine. Testés en 2018, ils ont atteint toutes leurs cibles à une distance de plus de 1000 km. Ils équipent les avions de guerre Mig-31.
La Russie dispose aussi des missiles de croisière Zirkon testé par Moscou en Mer Blanche en 2021 depuis un navire de surface et en sous-marin en plongée à 40 mètres de profondeur.
"Les budgets d'armement engagés par nos 'partenaires' sont inutiles contre ce missile", promet Andreï Kartapolov, ex-vice-ministre de la Défense et aujourd'hui chef du Comité de défense de la Douma. Il affirme qu'une salve de plusieurs "Zirkon" serait capable d'anéantir simultanément plusieurs porte-avions.
L'avance de la Russie, mais aussi de la Chine, inquiète les États-Unis et l'Europe. L'an dernier, lors du Forum international sur la sécurité de Halifax, au Canada, David Thompson, vice-chef de l'US Space Force, a admis le retars des tats-Unis dans ce domaine. Le Pentagone prévoit de disposer de missiles hypersoniques en 2024. La marine vise à mettre sa propre version du missile sur un destroyer en 2025 et sur des sous-marins de classe Virginia en 2028.
Pour faire face à une attaque hypersoniques, Washington a chargé trois géants américains de l'industrie de la défense, Raytheon, Lockheed Martin et Northrop Grumman, de développer des missiles intercepteurs. Un contrat de 60 millions de dollars a été conclu avec le Pentagone.
En Europe, la France travaille également sur le sujet. En 2019, Florence Parly, ministre des Armées, a annoncé un programme visant à mette au point un planeur hypersonique. En mai 2021, lors d'une visite sur la base aérienne de Creil, dans l'Oise, la ministre a révélé que des tests devaient avoir lieu fin 2021. Ont-ils été menés? BFM Business a posé la question à plusieurs reprises au ministère des Armées sans obtenir à ce jour de réponse.
