Ukraine: démonstration de force des opposants pro-européens

Des manifestants place de l'indépendance à Kiev, le 7 décembre 2013. - -
Plusieurs centaines de milliers d'opposants pro-européens ont réclamé dimanche dans le centre de Kiev le départ du président Viktor Ianoukovitch, accusé de "vendre" l'Ukraine à la Russie dans une nouvelle démonstration de force sans précédent depuis la Révolution orange de 2004. Des manifestants ont par ailleurs fait tomber une statue du leader de la Révolution russe de 1917, Vladimir Lénine, dans le centre de Kiev.
Entre 250.000 et 300.000 manifestants
En brandissant des drapeaux ukrainiens et européens, entre 250.000 et 300.000 manifestants ont rempli, dimanche, la place de l'Indépendance appelée aussi Maïdan, haut lieu de la Révolution orange qui avait porté au pouvoir des pro-occidentaux, ainsi que les rue voisines en scandant "démission!".
Les organisateurs ont déclaré que le nombre de manifestants avait "approché un million" alors que la police qui sous-estime généralement l'ampleur de la contestation a fait état de 60.000 opposants et de 15.000 manifestants pro-Ianoukovitch devant le parlement, pas très loin de Maïdan.
"Tentative de prise du pouvoir"
Devant les manifestants, Arseni Iatseniouk, l'un des leaders de l'opposition a appelé à "élargir la contestation" et à "bloquer le quartier gouvernemental". Les manifestants ont installé plusieurs tentes près du siège du gouvernement et ont commencé à ériger des barricades avec des corbeilles à fleurs dans ce quartier, selon des images de la télévision ukrainienne.
Peu après la fin de la manifestation massive, la deuxième après celle du 1er décembre au même endroit, les services spéciaux ukrainiens (SBU) ont annoncé l'ouverture d'une enquête pour tentative de "prise de pouvoir" suite "aux agissements illégaux de certains hommes politiques". Le SBU n'a pas immédiatement désigné de suspects pour de tels actes, passibles d'une peine allant jusqu'à dix ans de prison.
Sur Maïdan, les manifestants ont chanté l'hymne de l'Ukraine avec écrivains, philosophes et dignitaires religieux présents sur scène aux côtés des leaders de l'opposition et de la fille de l'opposante et ex-Premier ministre emprisonnée Ioulia Timochenko qui a lu ensuite le message de sa mère.
La "dictature" ou "l'Europe"
"Notre objectif est le départ immédiat du président ukrainien", a lu Evguénia Timochenko. "Démission! démission!", a scandé la foule. "Ne baissez pas les bras, ne faites pas de pas en arrière, ne vous mettez pas à la table des négociations avec ce pouvoir qui a le sang sur les mains", a-t-elle poursuivi.
La dispersion violente d'un campement d'étudiants, qui a fait des dizaines de blessés, a renforcé la mobilisation. Le lendemain, le 1er décembre, une manifestation monstre réunissant entre 200.000 et 500.000 personnes s'était déroulée sur Maïdan. La place est depuis occupée par les pro-européens qui y ont hérissé des barricades.
"Nous avons aujourd'hui le choix entre sombrer dans une dictature corrompue et le retour à la maison, en Europe", a lancé Evguénia Timochenko.
Le refus du pouvoir de signer fin novembre l'accord d'association avec l'UE négocié depuis trois ans a plongé ce pays de 46 millions d'habitants dans une crise politique sans précédent depuis la Révolution orange. La tension est montée d'un cran après la visite vendredi du président Viktor Ianoukovitch en Russie où il a discuté avec son homologue Vladimir Poutine de "partenariat stratégique".
Une statue de Lénine déboulonnée
Dans un acte de défi envers Moscou, une trentaine de manifestants ont renversé une statue de Lénine, le leader de la révolution de 1917, située également dans le centre et servant de point de rassemblement aux communistes locaux. Le monument de plus de trois mètres a été remplacé par un drapeau ukrainien après sa chute la tête la première, après avoir été tiré pendant dix minutes par ses assaillants, masqués.
Plusieurs membres du parti ultra-nationaliste Svoboda (Liberté), qui voient dans Lénine un symbole de la soumission de l'Ukraine à Moscou sous l'URSS, se sont félicités de l'événement, qui a été suivi de scènes de joie. "Après la chute de Lénine à Kiev, le régime de Ianoukovitch va aussi chuter", a affirmé le député Igor Mirochnitchenko.
Les manifestants, forts de leur mobilisation, comptent continuer à mettre la pression sur le pouvoir et appelle à manifester de nouveau lundi. Ils ont installé des barricades dans le quartier abritant les grandes administrations, afin de bloquer les accès au siège du gouvernement.