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Partygate: verbalisé pour avoir participé à une fête en pleine crise sanitaire, Boris Johnson refuse de démissionner

Le Premier ministre britannique Boris Johnson (d) et  le ministre des Finances Rishi Sunak à Londres, le 1er décembre 2021

Le Premier ministre britannique Boris Johnson (d) et le ministre des Finances Rishi Sunak à Londres, le 1er décembre 2021 - Daniel LEAL © 2019 AFP

Le Premier ministre britannique Boris Johnson et son ministre des Finances, Rishi Sunak, ont reçu une amende ce mardi pour avoir participé à une fête au 10, Downing Street le 19 juin 2020 alors que les rassemblements étaient interdits. Les dirigeants l'ont aussitôt payé mais sont à nouveau au coeur d'une tempête politique et médiatique.

Boris Johnson envisage de geler le budget de la BBC et de supprimer la redevance due à la chaîne mais il semble se donner du mal pour lui fournir la matière d'un nouveau feuilleton. Le scandale du "Partygate", cette série de révélations autour de festivités tenues en 2020 et 2021 dans la résidence officielle du Premier ministre britannique alors que les rassemblements étaient interdits, s'est en effet enrichi mardi d'un nouvel épisode.

Enquêtant sur ces fêtes illégales au sommet de l'État, la police a annoncé avoir envoyé mardi une cinquantaine d'amendes. Et parmi les verbalisés, le chef du gouvernement britannique, sa femme Carrie, et le Chancelier de l'Échiquier (c'est-à-dire ministre des Finances), Rishi Sunak, sanctionnés pour avoir participé à un pot organisé le 19 juin 2020 célébrant l'anniversaire de Boris Johnson.

Les deux dirigeants ont déclaré dans la foulée avoir aussitôt réglé la contravention et exclu de renoncer à leurs fonctions. Mais l'opposition et une large part de l'opinion publique réclament leur démission.

Une amende qui est une première

50 livres (soit très précisément 60 euros). Selon le Daily Mail, c'est le montant de l'amende dont Boris Johnson et Rishi Sunak ont dû s'acquitter mardi après que la police leur a reproché d'avoir participé à cette fête d'anniversaire. Il se pourrait d'ailleurs que le Premier ministre paie encore d'autres douloureuses dans un avenir proche car, remarque ici RFI, la police le soupçonne d'avoir été présent lors de six des douze événements collectifs organisés au 10, Downing Street, au mépris des règles alors en vigueur.

Cette amende est encore une première à un autre titre: jamais auparavant un Premier ministre et un ministre des Finances n'avaient été convaincus - durant l'exercice de leurs fonctions - d'avoir enfreint la loi. Le scandale est d'autant plus grand qu'il infirme de facto le discours que Boris Johnson a toujours présenté aux parlementaires à la Chambre des Communes depuis que le "Partygate" a éclaté dans la presse en décembre dernier. Malgré ces festivités, il affirmait ne pas avoir commis personnellement de faux pas, n'ayant jamais dérogé aux mesures sanitaires.

"Je n'ai pas pensé enfreindre les règles"

C'est d'ailleurs à la montée de ce procès en insincérité que Boris Johnson a voulu répondre mardi en ouverture de sa réaction officielle, publiée sur le site de l'exécutif. Détaillant son emploi du temps du 19 juin 2020, il y reconnaît d'abord: "Au milieu de tous ces engagements, durant une journée qui se trouvait par ailleurs être mon anniversaire, il y a eu un bref rassemblement dans mon cabinet peu après 14h et qui a duré moins de 10 minutes, pendant lequel mes collaborateurs m'ont gentiment adressé leurs voeux".

"En toute franchise, à ce moment-là, je n'ai pas pensé que je pouvais être en train d'enfreindre les règles", a-t-il précisé.

"Mais bien sûr, la police est parvenue à une autre conclusion et je la respecte pleinement", écrit-il encore, enchaînant: "Je comprends la colère que beaucoup ressentiront dans la mesure où j'ai moi-même échoué à observer les règles que mon gouvernement avait édictées pour protéger le public, et j'accepte en toute sincérité que le peuple ait le droit de s'attendre à mieux. Maintenant, je ressens encore plus fortement mon devoir de servir les priorités du peuple britannique".

La presse se déchaîne

Contrition donc, mais pas de démission. Après un temps de latence - qui a laissé penser au Times qu'il préparait son départ -, Rishi Sunak a adopté la même position dans sa propre déclaration, rédigée sur un ton identique à celui de son patron. Présentant ses "plus plates excuses", il dit "comprendre la colère et la frustration" de ses concitoyens, tout en assurant se "concentrer sur sa tâche au service des Britanniques".

Mais les dommages causés sur leur image publique sont déjà importants. La presse britannique n'a d'ailleurs pas raté les deux hommes ce mercredi, comme le montre cette revue de presse. Le Sun a légendé sa photo de couverture dédiée à Boris Johnson par un sarcastique "Je suis désolé... Mais j'ai du boulot". Le Guardian a résumé sur sa Une le propos de Boris Johnson: "J'ai enfreint mes propres règles mais je ne m'en irai pas". Le Daily Mirror a choisi une ligne bien plus dure, proclamant que les Britanniques étaient "dirigés par des menteurs et des délinquants".

L'opposition exige leur départ

Keir Starmer, leader des Travaillistes et par conséquent leader de l'opposition, a trouvé le même accent au moment d'exiger mardi que Boris Johnson et son Chancelier de l'Échiquier prennent la porte, voyant dans les faits sanctionnés une "gifle jetée aux visages" des Britanniques respectueux des mesures sanitaires.

"Les deux coupables doivent démissionner. Ils ont déshonoré leurs fonctions, ils ont menti au peuple".

La cheffe du gouvernement écossais, Nicola Sturgeon, a tiré dans le même sens: "Boris Johnson doit démissionner. Il a enfreint la loi et menti sans cesse au Parlement à ce propos. Les valeurs basiques d'intégrité et de décence - essentielles au bon fonctionnement de toute démocratie parlementaire - exigent son départ. Et il doit emmener avec lui ce Chancelier déconnecté".

Une majorité inhibée par la guerre en Ukraine

Boris Johnson et Rishi Sunak ont toutefois une chance dans leur malheur actuel: la majorité tient. Au gouvernement, Liz Truss, ministre des Affaires étrangères, a assuré ses deux collègues de son soutien "à 100%".

"Boris Johnson et le Chancelier servent l'intérêt des Britanniques sur de nombreux fronts, dont la crise internationale à laquelle nous sommes confrontés", les a-t-elle encore défendus sur Twitter.

Un coup de main remarquable dans la mesure où lors des premières phases de la controverse, en décembre et en janvier, elle avait paru plus discrète.

Il faut dire que la guerre en Ukraine inhibe et désarme les détracteurs de Boris Johnson pourtant nombreux dans sa propre famille politique. Il y a quelques semaines, une trentaine de députés tories s'étaient entendus pour expédier à leur Parti conservateur une lettre visant à renverser leur leader et Premier ministre, sans atteindre le quorum nécessaire de 54 parlementaires.

Le Guardian a sondé ici les rangs tories à Westminster, où siègent les Communes. Roger Gale, adversaire interne le plus résolu à Boris Johnson, a lui-même interrompu sa croisade, expliquant qu'il n'était pas temps de changer de capitaine au vu du conflit. Un élu conservateur a même torpillé ses confrères et consoeurs auprès du quotidien.

"La guerre offre à certains l'abdication absolue de leurs responsabilités à laquelle ils aspiraient".

Un autre a toutefois prédit - et toujours dans les colonnes du Guardian - un "vote de confiance dans le courant de la semaine prochaine".

Faute de remplaçants

Confiance, tentatives de motion de censure, appels à la démission: Boris Johnson en a connu d'autres depuis cet hiver. Mais cette fois, la défiance s'avère bien moins véhémente autour de lui. Il faut dire que ses troupes craignent un saut dans le vide et une crise du pouvoir en cas de départ de Boris Johnson. Car ses deux successeurs putatifs ne sont pas franchement au mieux non plus.

En effet, celui qui fut longtemps le favori des observateurs au moment de pronostiquer son remplaçant éventuel n'est autre... que Rishi Sunak. Or, en-dehors même de sa propre amende, le ministre des Finances traverse une épreuve supplémentaire. Son épouse, Akshata Murty (qualifiée par Sky News de "fille du Bill Gates indien"), est accusée de ne pas avoir payé d'impôt au fisc britannique sur ses revenus perçus à l'étranger.

Quant à Liz Truss, elle-même pressentie pour le 10, Downing Street, elle a également vu son aura se dégrader dans l'opinion. Les médias ont ainsi révélé en janvier dernier qu'elle avait décidé de se rendre à Sydney, en Australie, depuis Londres à bord d'un jet privé aux frais du contribuable et ce pour, 500.000 livres.

Au fond, l'écueil menaçant Boris Johnson de plus près est de nature plus directement politique. Dans à peine trois semaines, le 5 mai prochain, les habitants de la Grande-Bretagne voteront à l'occasion des municipales. Et là aussi la note pourrait être salée pour le Premier ministre et les siens.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV