Racisme: avant Taubira, un précédent italien en Europe

Cecile Kyenge, ministre italienne de l'Intégration, est la cible de violentes attaques racistes depuis sa prise de fonctions. - -
Traitée de "guenon", comparée régulièrement à un singe, Christiane Taubira reste calme. La ministre de la Justice a expliqué mercredi soir "encaisser le choc", malgré la "violence" des propos lancés contre elle.
En Italie aussi, une autre ministre est la cible d’attaques racistes. Cécile Kyenge, ministre de l’Intégration, est en poste depuis six mois. Dès son premier jour en tant que ministre, cette italienne originaire du Congo a été victime de racisme. Elle a ainsi été traitée d’"orang-outan" par le vice-président du Sénat et membre du parti populiste Ligue du Nord, Roberto Calderoli. Une autre élue, du même parti, a même indirectement appelé au "viol" de la ministre, avant d'être suspendue.
Cecile Kyenge revendique ses origines
Agée de 49 ans, Cécile Kyenge est arrivée à 19 ans en Italie. Elle y a fait des études d’ophtalmologie, puis a adhéré quelques années plus tard au Parti démocrate. Elle a été naturalisée italienne lors de son mariage avec un Italien, en 1994.
Pourtant, elle est loin d’être considérée comme italienne par ses pairs. "La ministre Kyenge doit rester chez elle, au Congo. C'est une étrangère dans ma maison. Qui a dit qu'elle était italienne?", a ainsi demandé Erminio Boso, l’un des dirigeants de la Ligue du Nord. L’intéressée, qui vit depuis six mois sous protection policière, encaisse et n’abandonne pas. Au contraire, elle revendique ses origines: "je ne suis pas une femme de couleur, je suis noire", explique-t-elle, sans cacher que son père a eu en tout 39 enfants de quatre femmes différentes.
Le portefeuille qui lui a été confié a-t-il mis le feu aux poudres? Pas pour Alberto Mattioli, correspondant à Paris du quotiden La Stampa. "C’est un ministère qui a peu de pouvoir. Les décisions concernant l’immigration sont prises par le ministre de l’Intérieur, pas par elle. Mais c’est intéressant de la part d’Enrico Letta, le président du Conseil italien, de l’avoir nommée à ce poste, elle qui fut sans-papier en Italie, et qui a réussi", commente-t-il. "Letta a voulu donner une autre image de l’Italie, celle d’un pays multiethnique". Une décision plus symbolique que politique.
"L'immigration, c'est nouveau en Italie"
Pourtant, cette vision multiethnique semble ne pas aller de soi en Italie. "La différence avec la France, c’est qu’en Italie, la tradition de l’immigration extra-européenne n’existe que depuis 20 ans environ", analyse Alberto Mattioli. "L’empire colonial a très peu duré: l’immigration, c’est quelque chose de nouveau en Italie". "De terre d'émigration, le pays est devenu une terre d'immigration" dans les années 80, explique Marc Lazar, spécialiste de l'Italie, au Figaro. "C’est quelque chose que l’Italie a du mal à accepter." Cécile Kyenge est d'ailleurs la première ministre noire dans l'histoire du pays.
Pourtant, si Cécile Kyenge est victime de racisme, cela ne signifie pas que la population italienne ne s’en émeut pas. "Sous la pression populaire, certains politiques ont dû retirer leurs messages haineux et se sont excusés", relève Alberto Mattioli.
Pour ce journaliste, "l’Italie n’est pas raciste. Il y a une peur très forte, comme en France, qui se remarque dans les classes populaires et chez les personnes âgées, et se ressent politiquement via la Ligue du Nord. Mais ce n'est pas un pays raciste. D'ailleurs, un journal comme Minute ne peut pas exister chez nous: la loi l'interdit."