Après les reproches de Zelensky, Macron maintient qu'un génocide "doit être qualifié par des juristes, pas par des politiques"

Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky - Montage photos AFP - Ludovic Marin - HANDOUT / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE
Lors de son déplacement au Havre ce jeudi, le président et candidat à sa réélection Emmanuel Macron a tenu à répondre aux reproches adressés par son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a jugé "très blessante" la position de la France concernant le potentiel génocide commis par l'armée russe en Ukraine.
Refus de suivre les États-Unis
La brouille entre les deux chefs d'État a trouvé ses origines mardi de l'autre côté de l'Atlantique. En déplacement dans l'Iowa, le président Joe Biden a justifié l'emploi du terme "génocide" pour qualifier l'action de Vladimir Poutine en Ukraine. "Il est de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d'effacer l'idée même de pouvoir être un Ukrainien", a-t-il alors précisé.
Interrogé sur ces propos mercredi sur France 2, Emmanuel Macron a refusé de suivre le positionnement de son homologue américain. Il a récusé une "escalade des mots" en indiquant vouloir "rester prudent".
"Je dirais que la Russie a déclenché d'une manière unilatérale une guerre brutale" s'est borné à commenter le président de la République.
Un positionnement mesuré, qui a été sévèrement jugé à Kiev. À l'occasion d'une conférence de presse organisée dans le cadre de la visite en Ukraine des présidents polonais, lituanien, estonien et letton, Volodymyr Zelensky a réagi aux déclarations d'Emmanuel Macron, qu'il a jugées "très blessantes pour nous", "si elles sont vraies".
"Les mots ont un sens, et il faut être très prudent"
Invité de France Bleu Normandie ce jeudi à l'occasion de sa visite au Havre, Emmanuel Macron a d'abord tenu à indiquer qu'il avait eu l'occasion d'échanger avec Volodymyr Zelensky concernant ce sujet.
"D'abord, je lui ai répondu directement, puisque je l'ai eu ce matin avant de venir, et je lui reparlerai ce soir après ce déplacement", a-t-il indiqué.
Pour le locataire de l'Élysée, cette prise de position ne remet en rien en cause l'engagement de la France aux côtés des Ukrainiens. "La France, depuis le premier jour, est aux côtés de l'Ukraine. La France est le pays qui a le plus, entre 2014 et 2020, aidé l'Ukraine à s'équiper pour se défendre, et de loin. Je vous invite à regarder les chiffres", a-t-il tenu à préciser.
Mais pour le président Macron, "les mots ont un sens, et il faut être très prudent. Mon rôle est évidemment de bâtir la paix, de stopper cette guerre et d'aider le président Zelensky. Mais il est aussi d'éviter une escalade et de protéger les Français contre une extension de la guerre". Actant donc son refus d'employer le terme génocide.
"Le mot génocide a un sens. Il doit être qualifié par des juristes, pas par des politiques", a-t-il martelé.
Une reconnaissance qui impliquerait une implication dans le conflit
Utilisé pour la première fois pour qualifier l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis, le terme génocide est défini dans la convention des Nations unies, qui le caractérise comme la volonté de "détruire, ou tout, ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".
La réalité d'un génocide en Ukraine, bien qu'elle ait déjà été actée par les présidents ukrainien et américain, doit encore être tranchée par la justice internationale.
Au micro de France Bleu Normandie, Emmanuel Macron a également tenu à mettre en garde les Français, si génocide il y avait en Ukraine.
"Si c'est un génocide, et j'attire l'attention de tout le monde, les États qui considèrent que c'est un génocide se doivent, par les conventions internationales, d'intervenir. Est-ce que c'est ce que les gens souhaitent? Je ne le crois pas. Cela voudrait dire devenir cobelligérant", a ainsi indiqué le président, pointant l'importance que "tout le monde sache garder raison" et d'éviter de tomber dans une situation "où les mots n'auraient plus de sens".
"Ce n'est pas aider l'Ukraine que de rentrer dans l'escalade verbale sans en tirer toutes les conséquences", a ainsi déclaré Emmanuel Macron.