Législatives britanniques: les raisons de l'échec de Theresa May

La Première ministre britannique Theresa May lors d'une conférence de presse au sommet du G7, le 26 mai 2017 à Taormina, en Sicile. - Justin Tallis - AFP
De l'aveu même de plusieurs députés conservateurs, la Première ministre britannique Theresa May a mené une campagne "catastrophique", contrairement au vieux routier de la politique et ex-militant syndicaliste Jeremy Corbyn.
Une campagne ratée qui l'a menée à perdre la majorité absolue à la Chambre des communes ce vendredi matin, à l'issue des résultats des élections législatives.
Un scrutin pour renforcer sa majorité
Theresa May aurait dû se méfier lorsqu'elle a convoqué en avril ce scrutin anticipé, trois ans avant la date prévue. D'autant qu'elle s'était engagée à ne pas écourter la législature.
Tous les voyants étaient certes alors au vert et les sondages lui prédisaient un triomphe sur les travaillistes. Mais la Première ministre aurait dû se souvenir des élections anticipées en 1974, que les conservateurs avaient convoquées pour les perdre face au parti travailliste.
Son prédécesseur David Cameron, était également persuadé de gagner le référendum sur l'Union Européenne qu'il a organisé en 2016, avant de devoir démissionner suite au vote en faveur du Brexit.
"C'était un pari et Theresa May l'a perdu. Cela pose la question de sa perspicacité en politique", estime Mike Finn, politologue à l'université de Warwick.
Le programme des conservateurs, dévoilé en milieu de campagne, comprenait une mesure très impopulaire portant sur le financement des soins des personnes âgées, baptisée "Dementia Tax".
Ulysse Gosset, notre éditorialiste international, relevait ce vendredi matin les "gaffes" de la Première ministre: "elle avait voulu taxer les seniors, elle a changé d'avis, elle avait refusé de débattre en tête-à-tête avec Jeremy Corbyn, elle a été obligée de le faire".
Theresa May, accusée de changer d'avis tout le temps, a dévissé dans les sondages et n'est plus parvenue à faire entendre son message axé sur le Brexit.
"Le message véhiculé a été consternant et le revirement sur les soins aux personnes âgées une catastrophe", commente la député conservatrice Ann Soubry, elle-même réélue de justesse.
Trois attentats terroristes
Les trois attentats terroristes qui ont endeuillé le Royaume-Uni depuis mars ont inévitablement recentré la campagne électorale sur les questions de sécurité. C'est d'ordinaire un point fort pour les conservateurs, mais les travaillistes ont su placer avec habileté la politique d'austérité et les coupes budgétaires dans la fonction publique - 20.000 policiers en moins en six ans - au cœur du débat.
Malgré le pedigree pacifiste de son leader Jeremy Corbyn, le Labour a annoncé qu'il allait déployer 10.000 postes de policiers supplémentaires au milieu d'autres promesses budgétaires, auxquelles Theresa May s'est refusée.
Refus de débattre avec Corbyn
Theresa May a annoncé dès le début de la campagne qu'elle refusait de participer au moindre débat télévisé frontal, se contentant de deux séances de questions-réponses avec un journaliste et le public.
L'opposition a sauté sur l'occasion pour dénoncer son "manque de courage" et sa "faiblesse". Notamment à l'occasion d'un débat surréaliste rassemblant pratiquement tous les leaders des principaux partis où elle s'est fait attaquer de toutes parts, sans pouvoir répondre. Pour se justifier, la Première ministre a expliqué qu'elle préférait "échanger avec des électeurs".
"L'éloquence et le charme d'un congélateur"
L'ennui, c'est que la Première ministre a en fait beaucoup esquivé les électeurs, tenant des meetings en petit comité devant des militants bien sages, pendant que son rival Jeremy Corbyn enchaînait les grand-messes devant des milliers de personnes.
Beaucoup d'électeurs lui ont reproché sa froideur et son manque d'empathie. Piètre oratrice, elle s'est contentée de marteler les mêmes messages sur un ton mécanique.
"Theresa May a la chaleur, l'humour, l'éloquence et le charme d'un congélateur (...) rempli à ras bord de crêpes Findus en état de décomposition", écrit Rod Liddle, chroniqueur du Spectator, un hebdomadaire politique proche des conservateurs.
Pour Ulysse Gosset, c'est aussi une "revanche des jeunes". "Ceux qui n'ont pas été voter pour le Brexit sont massivement allés voter (cette fois-ci), et ils ont voté travailliste", estime-t-il ce vendredi matin sur notre antenne.
"C'est peut-être une rébellion de ces jeunes qui finalement n'avaient pas été assez entendus et qui ont voulu prendre leur revanche."