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États-Unis: des hommes politiques refusent qu'une femme journaliste couvre seule leur campagne

"Arrêtez d'objectiver les femmes", sur la pancarte d'une manifestante en Californie le 10 novembre 2018

"Arrêtez d'objectiver les femmes", sur la pancarte d'une manifestante en Californie le 10 novembre 2018 - Sarah Morris - GETTY IMAGES NORTH AMERICA - AFP

La journaliste d'un quotidien local du Mississippi n'a pas pu suivre un candidat républicain, parce qu'il ne voulait pas se retrouver seul à seul avec elle, par peur qu'on le soupçonne d'adultère.

"Robert Foster, candidat au poste de gouverneur, a refusé l'accès à une femme reporter à cause de son genre", titre le journal local américain Mississippi Today, le 9 juillet dernier. L'auteure de l'article, Larrison Campbell, raconte comment le candidat à la primaire républicaine pour le poste de gouverneur du Mississippi a refusé qu'elle le suive pendant plusieurs heures, par peur que des rumeurs courent sur une possible liaison entre lui et elle.

"L'apparence fait tout. Nous sommes si proches de la primaire. Si certains prenaient une photo et la diffusaient, nous n’aurions pas le temps de la contester. Et c’est pourquoi nous devons faire attention", a déclaré à la reporter le directeur de campagne de Robert Foster.

Un collègue mâle pour l'accompagner

Il a donc été demandé à ce qu'un collègue homme accompagne la reporter pour qu'elle puisse suivre Robert Foster sans que personne ne s'imagine un quelconque adultère. Le journal a considéré cette demande comme "sexiste" et "non-nécessaire", refusant d'y agréer. La journaliste n'a donc pas pu réaliser le sujet proposé.

Le 10 juillet, le candidat a répondu dans une interview radio. Il y explique que s'il avait accepté la requête journalistique, il se serait retrouvé à plusieurs reprises seul avec Larrison Campbell, ce qui aurait pu créer une "situation gênante", selon lui, et qu'il voulait "simplement que les choses restent professionnelles".

Réagissant à l'article du Mississippi Today, et aux nombreuses critiques qui l'ont suivi, il déclare: "Ils ne peuvent pas croire qu'en 2019, quelqu'un valorise toujours sa relation avec sa femme et défend sa foi chrétienne".

La règle "Billy Graham"

A la suite de cette première histoire, un autre candidat à la primaire républicaine pour le poste de gouverneur du Mississippi a abondé dans le sens de Robert Foster. Billie Waller Jr a déclaré à Mississippi Today que la décision de son rival tient "du sens commun", et que la question de "l'apparence est importante".

Ces hommes politiques suivent ce qui est appelé aux États-Unis la "Billy Graham rule", du nom d'un pasteur et prédicateur évangélique américain. En 1948, il a énoncé une règle, stipulant qu'un "homme ne devait jamais se trouver dans une salle seul avec une femme à laquelle il n'est pas marié", explique le Los Angeles Times.

Cette prescription aurait fait son grand retour depuis le mouvement Metoo, alors que de nombreux hommes ont été accusés par des femmes d'attouchements, d'agressions sexuelles, voire de viols, alors qu'ils étaient en tête-à-tête avec une femme. Appliquer cette règle serait, selon eux, une façon de conserver leur réputation intacte.

Larrison Campbell a déploré sur CNN que les femmes soient sans cesse "sexualisées", même dans le cadre de leur travail. "Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une histoire du Mississippi, mais d'une histoire universelle", a-t-elle déclaré.
Salomé Vincendon