Crise ukrainienne: pourquoi le risque de conflit n'est toujours pas écarté après la rencontre russo-américaine?

Antony Blinken et Sergueï Lavrov le 21 janvier 2022 à Genève. - ALEX BRANDON / POOL / AFP
Il régnait comme un parfum de guerre froide ce vendredi après-midi à Genève. La cité suisse accueillait une rencontre entre le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Les deux hommes, chefs respectifs de la diplomatie de leur pays, se réunissaient alors que la situation à la frontière russo-ukrainienne menace toujours de dégénérer.
Moscou a en effet placé des dizaines de milliers de soldats russes à sa frontière avec l'Ukraine. Et fait planer le doute sur une possible invasion du pays, après l'annexion de la Crimée en 2014. Et si cette dernière n'avait constitué qu'une répétition générale, avant une opération plus large? Russes et Américains se sont donnés rendez-vous "la semaine prochaine".
Une rencontre après des semaines d'échanges houleux
La rencontre entre Antony Blinken et Sergueï Lavrov fait suite à deux conversations téléphoniques entre leurs présidents respectifs, Vladimir Poutine et Joe Biden, en décembre. Si le ton a été "franc et substantiel", selon le chef de la diplomatie américaine, il a aussi dénoté une certaine détente, après des semaines d'escalade verbale.
Sergueï Lavrov a relevé que lui et le secrétaire d'Etat américain étaient "d'accord qu'un dialogue raisonnable (était) nécessaire" pour que "l'émotion retombe", après un peu moins de deux heures de discussions.
Exigences martelées des deux côtés
Malgré le ton en apparence plus conciliant, le ministère russe des Affaires étrangères a toutefois assuré que si les Occidentaux continuaient d'ignorer ses "préoccupations légitimes" quant au renforcement de l'Otan en Ukraine et en Europe orientale, cela aura "les conséquences les plus graves".
"Cela peut être évité si Washington réagit positivement à nos projets d'accords sur les garanties de sécurité", a indiqué le ministère russe.
Quant au chef de la diplomatie américaine, il a demandé à la Russie de prouver qu'elle n'avait pas l'intention d'envahir l'Ukraine, en retirant ses troupes de la frontière.
Le Kremlin dément toute intention belliqueuse mais conditionne une désescalade à des traités garantissant le non-élargissement de l'Otan, en particulier à l'Ukraine, et un retrait de l'Alliance atlantique d'Europe de l'Est. Inacceptable, disent les Occidentaux, qui menacent la Russie de sanctions destructrices en cas d'attaque.
Des divergences encore fortes
Antony Blinken a convenu de coucher sur le papier des "idées" la semaine prochaine à destination de Moscou, mais il n'a pas précisé s'il s'agissait de répondre point par point aux exigences très détaillées des Russes.
Le secrétaire d'Etat a cependant prévenu qu'il y aurait une réplique même en cas d'agression "non militaire" de la Russie contre l'Ukraine. Une nouvelle occasion de lever le flou introduit par le président américain Joe Biden mercredi.
Les déclarations d'Antony Blinken et Sergueï Lavrov suite à cette rencontre montrent bien qu'un apaisement des tensions n'est pas encore à l'ordre du jour. Sur le fond, "je ne sais pas si nous sommes sur la bonne voie", a résumé le Russe, alors que son homologue américain pense "que nous sommes maintenant sur le bon chemin pour comprendre les inquiétudes et les positions de chacun". Les deux hommes ont convenu de se retrouver et Antony Blinken n'a pas écarté un sommet Joe Biden-Vladimir Poutine. Une idée que Sergueï Lavrov a jugé prématurée.
Des sanctions ravageuses promises à Moscou
La rencontre de Genève vient achever une tournée d'Antony Blinken en Europe auprès de ses alliés ukrainiens, allemands, français et britanniques. Une nouvelle fois, Européens et Américains ont martelé que Moscou s'exposerait à des sanctions ravageuses en cas d'offensive en Ukraine, menace balayée par le Kremlin, qui n'a jamais cédé à cette forme de représailles en huit années de conflit sur l'Ukraine.
Pour Moscou, l'essentiel est d'arracher un recul de l'Otan, perçue comme une menace existentielle et dont les élargissements successifs rappellent l'humiliation de la chute de l'URSS. Pour les Américains, un retrait d'Europe n'est pas une possibilité, mais l'administration Biden se dit prête à discuter des craintes des Russes pour leur sécurité.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit vendredi "convaincu" qu'une invasion ou une incursion militaire de la Russie en Ukraine "ne se produira(it) pas" et a souhaité que la diplomatie résolve la crise en cours opposant notamment la Russie aux Etats-Unis.