Sommet à Singapour: que veut Kim Jong-un de Donald Trump?

Kim Jong-un le 26 mai 2018 - KCNA via KNS-AFP
Les dirigeants américain et nord-coréen, anciens ennemis jurés, doivent se rencontrer dans la nuit de ce lundi à mardi pour un sommet historique. Cette première rencontre se déroulera à Singapour, dans un hôtel de luxe sur une île au large de la cité-État.
Officiellement, Donald Trump et Kim Jong-un doivent évoquer le démantèlement de l'arsenal nucléaire de Pyongyang, qui a valu au régime une longue série de sanctions de l'ONU. Le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, a déclaré ce lundi que les discussions avançaient "rapidement" et qu'il était "très optimiste quant aux chances de réussite".
La survie du régime
Mais l'issue de la rencontre est incertaine après des décennies de tensions entre les deux pays. Car pour le leader nord-coréen, ce qui prime, ce sont ses propres intérêts. "Tout comme Donald Trump, ses intentions relèvent avant tout d'objectifs nationaux", remarque pour BFMTV Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Iris, spécialiste des questions stratégiques en Asie. La priorité du leader nord-coréen: la survie du régime.
John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain,a évoqué en avril dernier la possibilité d'appliquer le modèle libyen à la Corée du Nord, comme le rapportait The New York Times. C'est-à-dire de renverser Kim Jong-un comme Mouammar Kadhafi l'a été en 2011.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Kim Jong-Un a assis son autorité. Il a pris le contrôle de l'appareil militaire en devenant le commandant suprême de l'Armée populaire de Corée. Il a développé son arsenal: quatre essais nucléaires et plus de 80 tirs de missile. À titre de comparaison, son père et prédécesseur Kim Jong-il n'avait mené que seize tests de missiles durant ses quelque dix-sept années de règne.
- "Kim Jong-un fonctionne pour lui-même et sa dynastie. Il a hérité de son père et de son grand-père d'un programme nucléaire et a créé un arsenal musclé. Par cette rencontre, il veut se présenter comme l'homme qui a obtenu un accord avec les États-Unis et rendu sa fierté à son pays", ajoute Jean-Vincent Brisset.
D'égal à égal avec le président américain
C'est également le point de vue de Dominique Trinquand, expert militaire et ancien chef de la mission militaire française à l'ONU. "Vis-à-vis de son peuple, Kim Jong-un montre qu'il discute d'égal à égal avec le président américain."
Selon ce spécialiste, deux choses priment pour le leader nord-coréen: redémarrer l'économie en levant les sanctions et le face-à-face avec les Américains, pour montrer sa puissance. "Tout cela lui permet d'assurer la pérennité de sa légitimité au niveau intérieur."
"C'est un match, analyse-t-il sur BFMTV. D'abord, le leader nord-coréen a obtenu l'arme nucléaire. Ensuite, il a entamé les négociations avec la Corée du Sud. Enfin, il se retrouve face à la plus grande puissance du monde, chose la plus extraordinaire pour son peuple. Il a amené la Corée à obliger les États-Unis à discuter."
Gagner du temps
Mais pour Boris Toucas, chercheur au Center for Strategic and International Studies à Washington, Kim Jong-un cherche avant tout à gagner du temps. "Ce sommet lui permet de faire baisser la pression mais aussi de briser l'unité qui se construisait à son encontre autour des sanctions, remarque-t-il pour BFMTV. Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'essais que le régime ne poursuit pas son programme. Plus la Corée du Nord s'inscrit dans le paysage international comme un État avec des capacités nucléaires, plus il sera difficile de lui faire renoncer."
Selon ce spécialiste, le leader nord-coréen pourra céder sur certains points, mais uniquement si ces concessions ne lui sont pas coûteuses, "comme geler le programme de missiles intercontinentaux, qui n'est d'ailleurs pas encore au point".
"Kim Jong-un va chercher à capitaliser sur la visibilité qu'il a gagnée tout en ne s'engageant pas de manière définitive sur l'avenir. S'il pourra faire des concessions sur des engagements périphériques, l'objectif n'est pas la dénucléarisation totale mais de réduire la voilure pour lui permettre de gagner en statut de puissance régionale. Son image à l'internationale a changé, Chinois et Russes rivalisent d'égards. Il est en position de force."