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Corée du Nord

Tir de missile au-dessus du Japon: mais à quoi joue Pyongyang?

Le leader nord-coréen Kim Jong-Un et son épouse Ri Sol-Ju à Pyongyang en mars 2017

Le leader nord-coréen Kim Jong-Un et son épouse Ri Sol-Ju à Pyongyang en mars 2017 - STR-KCNA via KNS-AFP

En tirant un missile ce mardi au-dessus du Japon, la Corée du Nord semble avoir fait d'une pierre deux coups. Des spécialistes livrent leur analyse pour BFMTV.com.

Représailles? Perfectionnement militaire? Provocation? La Corée du Nord a effectué ce mardi un tir de missile au-dessus du Japon. Ce n'est pas la première fois qu'un tel tir se produit. En 1998 et en 2009, des missiles étaient déjà passés au-dessus de l'archipel. Mais à l'époque, les programmes nucléaire et balistique de Pyongyang n'étaient pas aussi sophistiqués qu'aujourd'hui.

"Un tir symbolique"

C'est pour cela que ce dernier tir de missile inquiète. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence ce mardi après-midi à la demande de Séoul et de Washington. La Corée du Sud et les États-Unis ont appelé à "accroître la pression" sur la Corée du Nord. Le Premier ministre japonais a estimé que ce tir représentait une "menace sérieuse et grave à la sécurité". La Chine a pour sa part jugé que la crise dans la péninsule coréenne était désormais à un "tournant" et a appelé à la retenue. La Russie s'est quant à elle déclarée "extrêmement préoccupée" par la situation en Corée du Nord, dénonçant une "tendance vers une escalade".

Ce tir de missile pourrait-il être considéré comme une réplique de Pyongyang aux manœuvres menées par la Corée du Sud et les États-Unis dans la péninsule? Depuis le 21 août, un exercice militaire conjoint est mené par Séoul et Washington. En réaction à ces manœuvres, Pyongyang avait déjà brandi la menace de représailles militaires. Pour Ulysse Gosset, spécialiste des questions internationales à BFMTV, "c'est un tir symbolique de la Corée du Nord qui vise à rappeler à tout le monde, aux Américains et aux Japonais, que Pyongyang poursuit la modernisation de son armement, quelle que soit la réaction internationale".

C'est également l'analyse de Boris Toucas, chercheur au Center for Strategic and International Studies. Selon lui, la Corée du Nord montre par ce survol qu'elle n'est pas impressionnée par les menaces américaines. Donald Trump avait en effet promis le "feu et la colère" à Pyongyang. "Elle cherche à l'humilier alors que l'administration américaine avait déclaré que le régime nord-coréen avait compris le message", indique-t-il à BFMTV.com.

Perfectionner la technologie militaire nord-coréenne

Si ce missile pourrait par ailleurs tout avoir d'une réaction aux sévères sanctions qui ont été prises par l'ONU à l'encontre de Pyongyang au début du mois d'août, Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, estime cependant que ce tir n'a rien d'une provocation.

"Une provocation signifierait l'attente d'une réponse de la communauté internationale, analyse-t-il pour BFMTV.com. Or, la Corée du Nord n'attend pas nécessairement de réaction. Son ambition est de prouver la crédibilité de son programme balistique et ainsi de renforcer sa capacité de dissuasion."

Selon ce spécialiste de la Chine et des deux Corée, ce tir est à considérer comme un essai balistique visant à perfectionner la technologie nord-coréenne mais aussi les capacités opérationnelles du pays. Sans compter une dimension opérationnelle. "Le but, c'est aussi d'entraîner des unités au combat, en multipliant tant les unités que les zones de lancement, dont cette nouvelle zone près de l'aéroport international." Depuis le début de l'année, Kim Jong-un, le leader nord-coréen, a mené 18 tirs; plus de 80 depuis sa prise du pouvoir en 2011. À titre de comparaison, son père et prédécesseur Kim Jong-il n'avait mené que seize tests de missiles durant ses quelque dix-sept années de règne.

Le pire évité?

Mais une autre dimension est également à prendre en compte: l'aspect politique et diplomatique de ce tir. "Le régime nord-coréen cherche à séparer les intérêts des États-Unis de ceux de leurs Alliés dans la région", ajoute Boris Toucas, spécialiste en relations internationales. Un point de vue que partage également Antoine Bondaz, qui considère que la Corée du Nord cherche ainsi à fragiliser l'alliance nippo-américainee. "Pyongyang tente de souligner l'insécurité et la faiblesse du Japon afin qu'il se pose la question de la capacité des États-Unis à défendre l'archipel."

S'il y a bel et bien une accélération des essais de missiles nord-coréens, le pire semble avoir été évité. "Si l'île américaine de Guam avait été visée et que le missile avait atterri à quelques dizaines de kilomètres de ses côtes, le message aurait été tout autre", ajoute le spécialiste. Car si les Nord-Coréens maintiennent leur cap, ils veillent à ne pas déclencher un conflit régional, selon Antoine Bondaz.

"Il y a un risque d'escalade verbale mais personne n'aurait intérêt à une escalade militaire, pas même la Corée du Nord."

Céline Hussonnois-Alaya