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Qu'est-ce que l'Iliouchine Il-80, "l'avion de l'Apocalypse" russe qui devait survoler Moscou le 9-Mai?

Construit dans les années 1980, dans les dernières années de la Guerre froide, cet avion de ligne réaménagé en bunker volant doit permettre à Vladimir Poutine de garder le contrôle sur son armée en cas de conflit nucléaire. Mais il a n'a finalement pas pris part au défilé de ce 9-Mai.

Que comprendre de cette annulation? Lors des traditionnelles cérémonies du 9-Mai, jour où la Russie célèbre sa victoire sur l'Allemagne nazie en 1945 et où Vladimir Poutine a prononcé un discours très attendu, les Moscovites devaient avoir l'occasion de voir voler l'Iliouchine Il-80 dans le ciel de la capitale.

Un avion stratégique russe, surnommé le "Kremlin volant" ou encore "l'avion de l'Apocalypse", qui faisait encore partie la semaine passée des répétitions et qui s'annonçait comme l'une des attractions de ce défilé. Mais il n'en fut rien, le défilé aérien ayant été annulé pour de mystérieuses "raisons climatiques".

Car plus de deux mois après le début de l'invasion de l'Ukraine par l'armée du Kremlin, période durant laquelle les menaces nucléaires russes à destination de l'Occident se sont faites de plus en plus claires, la participation annoncée de cet avion aux célébrations du 9-Mai, une première depuis 2010, était tout sauf un hasard.

"C'est une manière de dire 'nous avons de gros engins, de gros missiles, nous pouvons complètement faire la guerre, moi Vladimir Poutine, je peux diriger cette guerre depuis le ciel'", décrit sur notre antenne le colonel Michel Goya, consultant défense de BFMTV, alors que sur le terrain, l'armée russe a bien du mal à obtenir de nouveaux succès.

Commander à l'abri des coups

Dans les faits, ce "bunker volant" en service depuis le milieu des années 1980, long de 59 mètres et lourd de 208 tonnes, doit servir de base de commandement au dirigeant russe en cas de conflit nucléaire. Construit au plus fort des tensions de la Guerre froide, ces appareils, quatre connus au total, ont été pensés pour résister aux conditions d'un conflt atomique.

"C’est un avion de ligne qui a été transformé, il n’y a pas de hublots pour éviter les effets des flashs d’une explosion nucléaire. Il est plus blindé qu’un avion de ligne. En cas de crise majeure, nucléaire, Vladimir Poutine monterait dans cet avion et aurait tous les moyens à disposition. Il y a ce dôme qui permet de communiquer à grande distance", ajoute Michel Goya.

Comme le confirme de son côté le général Nicolas Richoux sur notre antenne, "c’est un avion qui permet au commandant en chef des armées russes, Vladimir Poutine, de continuer à commander ses troupes même sous le feu nucléaire et a priori à l’abri des coups. C’est l’avion qui est capable de commander l’Apocalypse et de nous faire disparaître de la surface de la Terre."

S'il n'est pas équipé d'armements, l'appareil d'une valeur de 500 millions de dollars est en permanence entouré de deux ou trois MIG-29, des avions de chasse russes, et est capable de voler plusieurs jours sans se poser.

A titre de comparaison, les États-Unis possèdent également un appareil du même type, le Boeing E-4 connu sous le nom d'Air Force One, lui aussi censé protéger le président américain en cas de crise nucléaire.

Démonstration de force vintage

Que faut-il comprendre de la réapparition de l'Iliouchine Il-80 après près d'une décennie d'absence dans le ciel du 9-Mai?

"C'est plus pour faire peur", assure auprès de BFMTV le général Jérôme Pellistrandi.

"C'est pour communiquer, pour dire ‘la Russie est une forte puissance avec de fortes capacités'. Cet avion est ancien, il date de 1985, il vole peu, mais ça permet de faire cette démonstration de force de la puissance militaire russe", ajoute-t-il.

La démonstration de force voulue par Moscou n'aura donc pas eu lieu, et n'aura peut-être jamais lieu. En effet, ces appareils seront remisés dans un avenir proche, remplacés par l'Iliouchine Il-96-400, un avion de ligne lui aussi modifié qui sera livré sous le nom de Doomsday, jour du jugement dernier. "Il est vieillissant", ajoute Michel Goya, qui rappelle que l'un des quatre appareils encore en service en Russie avait été pillé de toute son avionique lors d'opérations de maintenance.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV