Kiev ou Kyiv? Pourquoi le nom de la capitale ukrainienne s'écrit de deux façons différentes

Un panneau "I love Kyiv" dans la capitale ukrainienne en avril 2020 - SERGEI SUPINSKY / AFP
"Kiev" ou "Kyiv"? Depuis le début de l'attaque russe jeudi dernier, les regards sont tournés vers l'Ukraine et sa capitale, appelée Kiev en français. Mais depuis quelques jours, un débat émerge pour que ce nom soit changé en "Kyiv". Des médias comme la BBC ou plus récemment Libération, ont ainsi choisi de ne plus dire "Kiev", mais "Kyiv".
La différence entre ces deux noms est que l'un est une appellation russe ("Kiev"), l'autre ukrainienne ("Kyiv"). Choisir la seconde plutôt que la première est vu comme une façon de renforcer par le langage l'indépendance de l'Ukraine vis-à-vis de son voisin russe.
"Aujourd’hui, ces quatre lettres sont devenues le symbole de la russification de la toponymie ukrainienne, qui a contribué à diluer une langue et une culture dans le grand creuset tsariste puis soviétique", écrit ainsi Libération.
"Kyiv", nom officiel depuis 1995
Le nom de "Kiev" pour la capitale ukrainienne est ancré dans la langue française, mais il date d'avant l'indépendance de l'Ukraine en 1991, à la suite de la dislocation de l'URSS. Ainsi, depuis 1995, une résolution du gouvernement ukrainien consacre l'emploi du nom "Kyiv" pour tous ses textes officiels plutôt que de "Kiev".
Si c'est toujours "Kiev" qui est utilisé dans les institutions françaises, le terme a été adopté dans des pays de langue anglaise. D'après le Daily Mail, le gouvernement britannique utilise Kyiv depuis au moins 2014. Une résolution du gouvernement américain datée de septembre 2019 explique également que "Kiev" n'est désormais plus reconnu comme nom valide pour la capitale ukrainienne, au profit de "Kyiv".
Et cette distinction compte pour l'Ukraine. En 2018, les autorités locales de la capitale ukrainienne avaient même lancé une campagne sur les réseaux sociaux - baptisée #KyivNotKiev - pour que le nom de la ville soit écrit à l'ukrainienne dans les pays étrangers. Interpellant des journaux, le ministère des affaires étrangères avait demandé à ce que soit écrit "le bon nom de la capitale ukrainienne Kyiv".
La question de l'emploi du langage ukrainien face au russe est en effet très importante dans le conflit qui oppose ces deux pays, alors qu'une grosse partie de la population est russophone et que les Ukrainiens essayent depuis plusieurs années de marquer leur indépendance vis-à-vis de leur imposant voisin. En 2014, la loi retirant au russe le statut de langue officielle dans certains territoires ukrainiens avait été au coeur des débats, et a contribué à provoquer la fracture avec une partie de la population pro-russe.
"Un signe de respect pour la langue et l'identité" de l'Ukraine
"Quand je rencontre quelqu'un de nouveau, j'aime prononcer son nom comme il veut qu'il soit prononcé dans sa langue, c'est pourquoi je pense qu'il est juste de prononcer 'Kyiv' aussi près que possible de l'ukrainien", explique au Guardian Andrii Smytsniuk, professeur d'ukrainien à l'université de Cambridge. "Beaucoup d'Ukrainiens y voient un signe de respect pour leur langue et leur identité."
Mais le français s'adapte peu sur le sujet. La langue française préfère encore dans de nombreux cas opter pour la traduction d'un nom de ville étranger plutôt que d'adopter son nom officiel. Comme le souligne Le Monde, "les journaux français continuent d’écrire Bombay, Pékin et Madras", les noms occidentaux des villes de Mumbai (Inde), Beijing (Chine) et Chennai (Inde).
Toutefois, si passer de "Kiev" à "Kyiv" ne semble pas encore acquis, les noms d'autres villes d'Ukraine moins connues que la capitale sont passées dans notre langage plus facilement en ukrainien. On parle ainsi de "Lviv" (ukrainien) et non de "Lvov" (russe), de "Kharkiv", et non de "Kharkov".
Pour l'heure, BFMTV utilise toujours "Kiev", transcription qui reste majoritaire dans les médias.
