La Corée du Sud en plein émoi, le secrétaire général de l’ONU éclaboussé

Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l'ONU, est éclaboussé par un scandale de corruption. - Chip Somodevilla - Getty Images - AFP
En ce milieu d'avril au Pays du matin calme, les cerisiers sont en fleurs, et le pays est en bonne posture économique. On inaugure un métro aérien dans la ville de Daegu, où se déroule une conférence internationale sur l'eau avec une conséquente délégation française. Le tourisme est en hausse dans ce pays où l'on ne risque pratiquement jamais de se faire arnaquer tant l'ambiance est à la probité. C’est ce que je vois autour de moi lors de ma toute récente visite.
Cependant, les Sud-Coréens ont de quoi angoisser. Il y a 70 ans, la péninsule coréenne a été partagée en deux moitiés quasi-égales, et cette année, on s'en souvient plus que jamais: il y un an, un navire de plaisance – le Sewol – chavirait en emportant avec lui plus de 300 passagers vers la mort. Il y a une semaine un scandale de pots-de-vin a éclaboussé l'entourage de la présidente Park Geun-hye et même indirectement le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, lui-même issu du monde politico-diplomatique coréen.
Le premier anniversaire d’un naufrage traumatisant
Ce naufrage hante la conscience populaire, car l'événement, filmé par des téléphones récupérés sur les survivants, révèle l'incompétence de l'équipage. En effet, les passagers avaient été invités à rester dans leurs cabines alors que ce mini-Titanic allait chavirer.
Dans le pays, on tient le gouvernement pour coupable d'une insuffisante vigilance envers les croisiéristes. Pire encore, l'enquête gouvernementale a été perçue comme bâclée. Le Premier ministre fut même physiquement empêché de participer aux commémorations un an après par les parents endeuillés, le 14 avril. Les parents des victimes n’ont laissé aucun ministre s’approcher d’eux.
L’affaire du film satirique sur Kim Jong-un
En outre, cette année 2015 marque les 70 ans de la partition de la péninsule. Fin 2014 a vu le scandale du film The Interview ravager ce qui restait de dialogue entre les deux Corées. Le voisin du Nord a proféré des menaces non seulement contre la Corée du Sud mais contre les États-Unis eux-mêmes. Il s'agit de bien davantage que de simples rodomontades, car le régime possède au moins 10 bombes nucléaires.
Ce qui est certain, c'est le désintérêt qu’affectent paradoxalement les Sud-Coréens. J’ai parlé à l’élue la plus impliquée dans le processus de la réunification, et elle m’a juste dit "Je n'ai pas vu le film, il est bien?". À Séoul l’on voit tout en termes de tensions entre le nord et le sud, et bizarrement The Interview est déjà du passé, et l’on scrute la réaction de Kim Jong-un à l’éventuel arrangement entre l’Occident et le régime iranien sur le nucléaire.
À la question posée au vice-ministre des Affaires étrangères sur le fait de savoir si Kim Jong-un est réellement aux commandes ou bien une simple marionnette manipulée par son entourage, j’ai la réponse: "Kim est surtout en train de jouer aux chaises musicales avec son entourage pour consolider son propre pouvoir". On pense à l’exécution du propre oncle par alliance de Kim, officiellement accusé il y a un an d’être une vermine et un traître.
Scandales de pots-de-vin: une affaire qui ulcère les Coréens
En parallèle à tout cela, un autre scandale a aggravé la situation la semaine du 13 avril: les pots-de-vin distribués par Sung Woan-jong le chef d’une grande entreprise, très récemment suicidé, à un aréopage de figures politiques importantes. Le Premier ministre actuel (qui a un rang très inférieur au Président), et accessoirement plusieurs personnalités politiques dont des maires de grandes villes, telles que Busan, figurent sur cette liste de gens arrosées par le défunt.
Mais Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, est aussi éclaboussé par cette affaire. Il est très proche d'un membre de la liste, et son propre frère travaille pour l’entreprise du Premier ministre. Le péché de Ban: il a nié avoir de lien intime avec ce Sung Woan-jong suicidé.
Ainsi va la Corée du Sud, ballotée alors même que son économie se porte bien et que son dynamisme de pays dit "émergent" est tel que l’on ne peut plus l’appeler ainsi. Il faut dire que le pays a entièrement émergé: il est 12e puissance économique du monde avec une population d'à peine 50 millions sur un territoire grand comme le Portugal. La performance force le respect. Mais les scandales de corruption restent – abondamment commentés par une presse libre – et finiront bien par faire perdre la face à quelqu’un. Ce qui n’est jamais anodin en Corée du Sud: en 2009, l’avant dernier président Roh Moo-hyun s’est jeté d’une falaise un an après la fin de son mandat, de honte, par la corruption de son entourage.