Raffarin : "la France a tout intérêt à s'intéresser à la Chine"

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Mercredi s'est ouvert le 18e congrès du Parti communiste chinois à Pékin, au cours duquel doit être consacré le nouveau dirigeant du pays, Xi Jinping. Alors que la deuxième puissance du monde change de dirigeant, les Français, eux, s'y intéressent peu.
L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, par ailleurs membre fondateur du Comité France-Chine, s'est fait le premier défenseur de la Chine, où il se rend régulièrement. Il est aussi l'auteur de Ce que la Chine nous a appris.
Pour BFMTV.com, il revient sur les relations paradoxales qui existent entre les deux pays.
• Que pensez-vous du peu d'intérêt que porte la France à la Chine ?
Je regrette que la société française soit aussi peu ouverte à une nouvelle donne asiatique. Nous avons vis-à-vis de la Chine à la fois une fascination historique et une méconnaissance de la réalité du pays tel qu’il est au XXIe siècle. C’est regrettable et pénalisant. La Chine est pourtant la deuxième économie au monde et elle jouera probablement dans le monde une influence comparable aux Etats-Unis.
• Comment expliquer ce manque d'intérêt ?
Le système politique chinois explique en grande partie ce désintérêt, notamment parce qu'il est moins transparent que celui des Etats-Unis, et le choix des dirigeants ne présente pas le même enjeu que celui des Américains. La campagne américaine a passionné des citoyens du monde entier, qui se sentaient concernés. Ce n’est pas du tout le cas pour la Chine.
Pourtant, la sélection du dirigeant chinois est un processus difficile, elle fait l’objet de sélections multiples et complexes. Mais tout cela se passe derrière la grande muraille, alors on n’en parle pas… Cette situation est paradoxale : on est très concerné par la Chine, et en même temps, on ne se sent pas concerné par ce changement de dirigeants.
• Comment changer une telle situation ?
Il faut faire un effort d’information et sortir du débat "pour ou contre la Chine ?" Car, c'est certain, la Chine sera un pouvoir. Stratégiquement, la France a donc tout intérêt à s'y intéresser.
Et puis, cela va changer avec les produits chinois, vont circuler les idées. Il faut être prêt à s'approprier certaines de ces idées, et à en combattre certaines autres.
• La culture chinoise peut-elle avoir la même influence que la culture américaine ?
Ce n'est pas si simple. Au niveau culturel, la culture chinoise est plus hermétique, plus complexe que la culture américaine, même si elle est aussi extrêmement moderne. La pensée chinoise, c’est la pensée de l’équilibre. Mais sa complexité effraie. La calligraphie, l’ésotérisme, la langue… Ce sont des éléments qui la rendent moins accessible, et c'est pour ça que son influence est limitée.
• N'y a-t-il pas également un manque d'intérêt de la Chine pour la France ?
Il y a de ça. Les Chinois sont centrés sur eux-mêmes, quand les Etats-Unis veulent être les maîtres du monde. Diplomatiquement, les Chinois veulent la paix dans le monde pour avoir la paix chez eux. Ils surveillent ce qui se passe à leurs frontières, dans le monde arabe… Mais ils sont très tournés vers eux-mêmes.
Grâce au développement du commerce, aux voyages, ils ont quand même un intérêt pour la France. Les grands écrivains français, par exemple, sont connus en Chine. Mais le danger, c’est que l’on se laisse enfermer dans une image romantique. Que nous soyons considérés comme un ami, là où l’Allemagne est considérée comme un partenaire.