Adhésion de la Turquie à l'Union européenne: où en est le dossier?

Un enfant drapé du drapeau turc à Istanbul, en juin 2013. - -
L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, c'est un euphémisme, traîne en longueur. La Turquie est officiellement candidate depuis 1999, et le processus de négociations engagé en 2005 s'éternise. Depuis 3 ans, ces négociations étaient au point mort. Elles vont reprendre le 5 novembre, a annoncé la présidence lituanienne de l'Union européenne (UE). Sur les 35 chapitres de négociation à aborder, le chapitre numéro 22 va donc être ouvert, et porte sur la politique régionale.
Mais pourquoi maintenant et pour quelles perspectives? Car de nombreux obstacles restent encore à surmonter, tant du côté de la Turquie que de l'UE. Le processus d'adhésion, le plus long du genre à ce jour, est-il en bonne voie? Décryptage.
> Pourquoi les négociations reprennent-elles maintenant?
La réalité est que ces négociations auraient dû reprendre plus tôt, dès juin. Mais la répression de la contestation civile place Taksim à Istanbul avait refroidi les membres de l'UE. "L'Allemagne était montée au créneau", explique Dorothée Schmid, directrice du programme Turquie contemporaine à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI). "Mais si l'on [l'Union européenne, NDLR] voulait montrer que le processus continuait, il était temps d'ouvrir un nouveau chapitre" des négociations, explique la chercheuse.
La Commission européenne s'est d'ailleurs exprimée dans ce sens dans son rapport annuel. Dans ce qui peut sembler, à première vue, un double discours, elle avait à la fois dénoncé le "recours excessif à la force de la police" en juin, mais salué les "pas importants" faits malgré tout par le pays en matière de démocratie. La spécialiste précise que le rapport de la commission est "traditionnellement équilibré" et qu'il a un "rôle d'encouragement".
> Quels sont les principaux obstacles à l'adhésion de la Turquie à l'UE?
• La situation de Chypre constitue le plus important point de crispation. Cette petite île de Méditerranée est coupée en deux depuis 1974. Le Nord, turcophone, est occupé militairement par la Turquie. Au sud, se trouve la République de Chypre. Ce conflit larvé contre la Grèce pose aussi un problème juridique, explique Dorothée Schmid. Il n'est pas possible de valider l'adhésion "d'un pays qui ne reconnaît pas l'un des membres de l'Union européenne". De surcroît, précise-t-elle, "toutes les négociations ont échoué, la Turquie continue de soutenir l'indépendance de la partie nord de Chypre".
• La lenteur des autorités turques à "réaliser certaines réformes pour mettre en œuvre l'acquis communautaire" joue aussi contre cette adhésion, explique la chercheuse. Les 35 chapitres de négociation couvrent tous les "secteurs de la vie communautaire, que la Turquie doit transposer dans son propre droit". Le détail de l'avancement de ces différents chapitres est consultable ici. Parmi les sujets sur lesquels les négociations coincent, on trouve par exemple la réforme "des marchés publics ou le droit syndical". "La Turquie possède sa propre culture sur ces sujets. C'est un grand pays, plus compliqué à réformer que la Bulgarie ou la Croatie", explique Dorothée Schmid.
• Le refus des opinions publiques de continuer l'élargissement de l'Union européenne est encore un obstacle majeur. Accueillir un grand pays musulman de plus de 70 millions d'habitants peut effrayer les opinions publiques européennes", analyse la spécialiste de la Turquie. De manière connexe, "la question du nombre de représentants turcs au Parlement européen cristallise des inquiétudes". Un phénomène particulièrement vrai pour le couple franco-allemand qui a "depuis l'euro, présidé aux destinées de l'Union européenne".
> Est-il possible d'entrevoir la fin de ces négociations?
La spécialiste de la Turquie se fait ici l'écho d'une certaine impatience des Turcs qui réclament parfois un délai pour "ne pas y être encore dans dix ans". Mais force est de constater que "ces négociations ont progressé cahin-caha avec des blocages très forts". De sorte qu'"on ne sait pas très bien où va ce processus", note-t-elle. De leur côté, les Turcs ont vu leur motivation décroître, car l'Union européenne, en crise, "n’est plus aussi attractive" qu'auparavant.
A contrario, la croissance turque qui est "de 3,5% cette année et qui a dépassé celle de la Chine en 2011", met en lumière le dynamisme économique de ce pays, souligne la chercheuse. Un pays dont la position stratégique "situé à la charnière de l'ouest et l'est" serait un atout dans les relations de l'UE avec le Moyen-Orient.