Argentine: Santiago Maldonado, la disparition qui réveille les vieux démons

Des photos de l'Argentin Santiago Maldonado, lors d'une manifestation à Buenos Aires - EITAN ABRAMOVICH, AFP
Santiago Maldonado, un jeune baba cool argentin, a mystérieusement disparu en Patagonie quand la gendarmerie a dispersé une manifestation. Depuis, les Argentins se mobilisent car ils y voient un modus operandi rappelant les sombres heures de la dictature.
Disparu depuis un mois
Vendredi, cela fait un mois que le jeune artisan de 28 ans, barbe et long cheveux noirs, n'a pas donné signe de vie. Pour l'occasion, ils seront des milliers à manifester pour exiger des comptes aux autorités, sur la Place de Mai, dans le centre de Buenos Aires.
"Où est Santiago Maldonado", "on le veut vivant": ces slogans sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.
L’anthropologue Alejandro Grimson fait remarquer que depuis la fin de la dictature militaire, en 1983, il existe en Argentine "un pacte selon lequel l'Etat ne peut pas exercer de violences menaçant la vie ou l'intégrité des personnes. Et chaque fois que ce pacte a été violé, cela a généré une grande commotion dans la société".
Le sort de la plupart des disparus de la dictature étant toujours inconnu, c'est un sujet sensible en Argentine, une plaie béante. Une explication du phénomène Maldonado est que depuis la fin de la dictature, c'est la première fois qu'une instance de l'Etat est soupçonnée d'avoir fait disparaître un opposant.
Bavure?
Les Mères de la Place de Mai, mobilisées depuis 40 ans pour dénoncer la disparition de leurs enfants durant la dictature (1976-1983) se sont jointes au mouvement de protestation.
En pleine campagne électorale avant les législatives de mi-mandat, l'ex-présidente de gauche Cristina Kirchner a saisi l'aubaine pour s'associer à la mobilisation et critiquer le gouvernement.
L'affaire est encombrante pour le pouvoir, car une bavure a peut-être été commise. Le gouvernement nie une "disparition forcée", alors qu'une enquête a été ouverte par la justice. Mais cette enquête piétine, dans un pays où le taux de résolution des affaires criminelles est très faible.
La ministre de la Sécurité se dit convaincue que la gendarmerie n'a rien à voir avec sa disparition et a demandé à ses détracteurs de ne pas politiser cette affaire. Mercredi devant le Parlement, le chef du gouvernement a lancé: "nous sommes les premiers à souhaiter qu'il réapparaisse".
Pression internationale
Les Nations unies, Amnesty International et la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) de l'OEA se sont émues de l'affaire.
Sa mère le décrit comme "éloigné de toute militance politique. Son engagement est social. Il se fait facilement des amis et soutient les causes qui lui paraissent justes". "C'est simplement un défenseur de tout un tas de causes", confirme un de ses amis. Ensemble, ils ont fait un voyage au Chili en 2017.
Le 1er août, il participait à une manifestation de la communauté Mapuche de la province de Chubut qui bloquait une route pour revendiquer des terres détenues par l'entreprise Benetton, finalement dispersée par des escadrons de gendarmes dans le bourg de Pu Lof.
Le gouvernement a offert une prime de 25.000 euros pour toute information permettant d'élucider l'énigme Maldonado.