Le chargé d'affaires de l'ambassade américaine convoqué au Quai d'Orsay "en l'absence" de Charles Kushner

Charles Kushner, l'ambassadeur américain à Paris, le 8 juillet 2025. - Ludovic MARIN / AFP
L'ambassadeur américain en France Charles Kushner a été convoqué ce lundi 25 août au ministère des Affaires étrangères après des critiques jugées inacceptables par Paris sur "l'absence d'action suffisante" contre l'antisémitisme du président Emmanuel Macron, dont l'intention de reconnaître un État palestinien ulcère Israël et les États-Unis.
"En l’absence de l’ambassadeur, le chargé d’affaires a été convoqué au Quai d’Orsay ce jour à 17h30", selon une source diplomatique française à BFMTV.
Cette dernière explique "qu'il a été indiqué au chargé d'affaires de l'ambassade américaine que la lettre de l’ambassadeur n’était acceptable ni sur la forme, ni sur le fond", estimant qu'il s'agit de "critiques constituant une ingérence dans les affaires intérieures et dressant un constat qui ne correspondait pas à la réalité."
De son côté, le chargé d'affaires a souligné que "l’ambassadeur Charles Kushner est disposé à travailler avec la France sur la lutte contre l’antisémitisme", toujours selon cette même source à BFMTV.
La convocation d'un ambassadeur américain est rare
Dans une lettre adressée au chef de l'État, Charles Kushner, père du gendre de Donald Trump, Jared Kushner, en fonction depuis quelques semaines en France, avait exprimé "sa profonde inquiétude face à la flambée de l'antisémitisme en France et à l'absence d'action suffisante de (son) gouvernement pour le combattre", rejoignant les récentes critiques du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Le département d'État américain a dit "soutenir les propos" de son ambassadeur.
"L'ambassadeur Kushner est le représentant du gouvernement des États-Unis en France et effectue un travail remarquable en faisant progresser nos intérêts nationaux dans ce rôle", a affirmé son porte-parole adjoint, Tommy Pigott, dans un communiqué.
La convocation au Quai d'Orsay d'un ambassadeur américain est un événement rare mais pas sans précédent. En octobre 2013, le représentant de Washington avait été convoqué après les révélations d'Edward Snowden selon lesquelles la NSA aurait intercepté massivement des communications en France. En juin 2015, sa successeure Jane Hartley avait également dû s'expliquer sur les documents de WikiLeaks attestant de l'écoute par la NSA des appels de trois présidents français (Chirac, Sarkozy, Hollande).
Les critiques du diplomate américain interviennent quelques jours après une violente charge de Benyamin Netanyahu contre le président français qu'il accuse "d'alimenter le feu antisémite" en appelant à la reconnaissance internationale de l'État de Palestine.
Une analyse "erronée, abjecte et (qui) ne demeurera pas sans réponse", avait déjà répliqué la présidence française. Dans sa lettre, l'ambassadeur américain reprend l'argumentaire de Benjamin Netanyahu.
Deux fois plus d'actes antisémites qu'en 2023
"Des déclarations qui vilipendent Israël et des gestes en reconnaissance d'un État palestinien encouragent les extrémistes, fomentent la violence et mettent en péril la judéité en France", estime Charles Kushner.
Selon l'ambassadeur, "il ne se passe pas un jour en France sans que des Juifs soient agressés dans les rues, des synagogues et des écoles dégradées, et des entreprises appartenant à des Juifs vandalisées".
Les actes antisémites sont en nette progression en France depuis le 7 octobre 2023, date des attaques sans précédent du Hamas contre Israël et du déclenchement de la guerre à Gaza.
Entre janvier et juin 2025, 646 actes antisémites ont été recensés en France, en baisse de 27% par rapport au premier semestre 2024, selon des chiffres diffusés lundi par le ministère de l'Intérieur. Mais ils représentent plus du double que les 304 actes recensés entre janvier et juin 2023.
L'antisémitisme a atteint des seuils "intolérables", a reconnu lundi la ministre française chargée de la Lutte contre les discriminations, Aurore Bergé.
Mais, "le combat du gouvernement français est sans ambiguïté face à l'antisémitisme", a-t-elle assuré. "Le sujet est trop grave (...) pour être pris à partie dans des enjeux diplomatiques", selon elle.
Un avis partagé par Patrick Klugman, avocat de plusieurs victimes françaises du 7-Octobre et représentant du Mémorial de Yad Vashem en France.
"Quelles que soient les positions, parfois contestables, de la France à l'égard d'Israël, les pouvoirs publics mènent une action constante, incontestable et résolue contre l'antisémitisme", atteste-t-il dans un message à Charles Kushner publié sur X.
"Depuis six ans, aucun meurtre antisémite n'a été commis en France, alors que les États-Unis en ont malheureusement connu plusieurs", observe-t-il, appelant l'ambassadeur à être un "relais utile" pour "combattre la haine en ligne".
"Aidez-nous à convaincre les grandes plateformes - toutes américaines - de ne plus offrir un espace à la haine antisémite et de ne plus permettre son exportation hors de vos frontières", l'enjoint-il.
Fin juillet, Emmanuel Macron a annoncé que la France allait reconnaître l'État de Palestine à l'Assemblée générale de l'ONU en septembre. Dans la foulée plus d'une dizaine de pays occidentaux parmi lesquels le Canada, ainsi que l'Australie, ont appelé d'autres pays du monde à faire de même.