"J'ai un ami qui...": la tactique de Trump pour lancer ses polémiques

Donald Trump, le candidat républicain à la Maison Blanche - Bryan R. Smith – AFP
Depuis le début de sa campagne, le candidat républicain à la Maison Blanche a dû se faire bon nombre d'ennemis. Mais il paraît également avoir - comme il se plaît à le rappeler très régulièrement lors de ses meetings - de très nombreux "amis". Des "amis" qu'il convoque bien souvent pour étayer ses raisonnements ou bien pour arrondir les angles de propos trop virulents.
La situation de la France vue par ses "amis"
Sa dernière sortie en date visait la France: "J'ai des amis qui vont en France chaque année. Ils adorent ce pays. Je leur ai demandé 'Et cette année comment ça s'est passé?'. Ils m'ont répondu 'On ne va plus en France. La France n'est plus la France''', a-t-il lâché mardi lors d'un meeting en Caroline du Nord, alors qu'il évoquait la sécurité et le terrorisme.
Mais Donald Trump n'a pas seulement des "amis" qui "vont en France", il a aussi des "amis français", comme il l'avait affirmé dans un entretien accordé à Valeurs actuelles en février dernier.
"Il y a des quartiers dont on a l'impression qu'ils sont devenus hors la loi, qu'ils sont, comme certains de vos essayistes l'ont écrit, des territoires perdus de la République. Des amis français me disent qu'ils ont parfois le sentiment de n'être plus vraiment chez eux quand ils se promènent çà et là dans leur pays", avait-il alors assuré, dressant un sombre tableau de l'état de la France.
"Le programme de Donald Trump c'est Donald Trump"
Rien de bien étonnant à cette constante invocation de ses "amis", si l'on en croit Vincent Michelot, professeur à Sciences Po Lyon spécialisé dans la politique américaine.
"Donald Trump n'a pas de programme, pas de thématique précise, pas de valeurs. Le programme de Donald Trump, c'est Donald Trump. Avec lui, une thématique est toujours incarnée par ses amitiés ou ses inimitiés. Tout passe par le filtre de la personne de Donald Trump ", explique-t-il.
Selon lui, le fait qu'il juge de la qualité de Vladimir Poutine en tant que président d'une grande nation "à l'aune de l'amitié que lui porte cette personne", en est un exemple criant.
Ces incarnations, on les retrouve d'ailleurs abondamment dans les meetings du candidat. Que ce soit pour décrire une situation qui lui paraît révoltante ou pour justifier une idée.
Des amis fermiers, fabricants, docteurs...
Il y avait par exemple les amis fermiers qu'il a cités en avril. "J'ai des amis fermiers et ils ne peuvent même pas cultiver leurs champs. Ils passent plus de temps sur les régulations que, je sais pas moi... qu'à déblayer".
Ou encore les copains qui "sont des fabricants absolument géniaux", qui font des produits "bien meilleurs que n'importe quoi fabriqué en Chine" mais qui souffrent de "frais de taxes massifs".
Sans parler d'"un ami à moi, qui est docteur, un mec bien". Une personne qui se demande pourquoi rien n'est fait pour que les Etats-Unis ne soient plus "le plus gros consommateur de médicaments au monde".
Mais les "amis" anonymes du milliardaire ne lui servent pas seulement à donner corps à une idée. Cités abondamment lors de ses meetings, ces personnages servent aussi souvent à rétro-pédaler lorsqu'il est allé trop loin dans la provocation.
Les amis mexicains et musulmans qui le soutiennent
Après ses propos tant décriés sur les immigrants mexicains, qu'il avait assimilés à des "violeurs" et des "dealers de drogue", qu'il fallait empêcher d'entrer aux Etats-Unis en construisant un mur gigantesque le long de la frontière avec le Mexique, Donald Trump a mis de l'eau dans son vin, assurant employer "des milliers de Mexicains" et être ami avec eux.
Rebelote avec les musulmans. Le magnat de l'immobilier a fait une proposition - vivement critiquée- d'interdire aux musulmans d'entrer sur le territoire américain. Pour contrer les accusations d'islamophobie, il a assuré avoir "de nombreux amis musulmans". "Plusieurs d'entre eux m'ont appelé et m'ont dit 'Donald, merci beaucoup. Tu exposes un problème incroyable'", a-t-il raconté.
Sans oublier non plus ses "nombreux amis afro-américains qui s'en sortent très bien" et qui vivent "le rêve américain".
"Il gifle d'une main et caresse de l'autre"
Pour Thierry Herman, spécialiste de rhétorique des universités de Lausanne et de Neuchâtel, cette façon de ne pas "essentialiser les adversaires" en affirmant avoir des amis de telle catégorie de la population est une façon de "contrer les accusations de xénophobie".
"L’inconvénient pour Trump, c’est que l’écart est tel entre les propos insultants envers les Chinois, les Mexicains ou encore les musulmans que cette désignation d’amis n’est tout simplement pas crédible. Il gifle d’une main et caresse de l’autre", estime-t-il.
Néanmoins, le discours de Donald Trump séduit un certain électorat que Vincent Michelot décrit comme "très blanc, la plupart sont des cols bleus qui ont un sentiment de déclassement, de trahison. Ils ne font plus confiance aux cadres traditionnels du parti républicain".
Si le milliardaire se présente comme un candidat anti-establishment, sa rhétorique est un "pur concentré" d'une pensée développée par le Grand Old Party, où le "rapport entre immigration et criminalité" est souvent présent, quitte à stigmatiser une partie de la population.