De la "tension" au "soulagement": les coulisses de l'opération américaine qui a éliminé le chef de Daesh

Bâtiment ciblé par une opération antijihadistes des forces spéciales américaines à Atmé, dans le nord-ouest de la Syrie, où neuf personnes dont trois civils ont été tuées, le 3 février 2022 - Aaref WATAD © 2019 AFP
L'opération était observée de près par Washington. Joe Biden a suivi en direct depuis la salle de crise de la Maison Blanche le raid mené ce jeudi en Syrie par les forces spéciales américaines pour tuer Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurayshi, chef de Daesh, plus de deux ans après son prédécesseur.
L'annonce de cette mission a été faite dans la journée de jeudi par le président des Etats-Unis, seulement quelques jours après des combats entre combattants du groupe terroriste et des soldats des forces kurdes, laissant craindre une résurgence de l'organisation. Entre inquiétude et soulagement, les coulisses depuis la Maison Blanche de l'opération ont été révélées ce vendredi par CNN.
· Des mois de collecte d'informations
Menée jeudi à l'aube, l'opération destinée à éliminer le chef de Daesh a nécessité de longs mois de préparation pendant lesquels les chefs militaires ont rassemblé le plus d'informations possibles sur leur cible et sur sa dangerosité.
Sans entrer dans les détails précis de leur travail, les officiels racontent être parvenus à repérer la localisation exacte du lieu où résidait Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurayshi début décembre, grâce notamment aux coursiers qu'utilisait le chef de Daesh pour communiquer avec le monde extérieur.
Une maquette de l'immeuble en question est présentée à Joe Biden afin de lui détailler le cadre exacte de la mission. Le chef de l'Etat a ainsi été "imprégné de tous les détails de l'opération" et a maintenu un "dialogue constant" avec les chefs militaires sur l'opération, assure un haut responsable du gouvernement à CNN.
· Réunion à la Maison Blanche et répétition
Le 20 décembre, une réunion a lieu à la Maison Blanche avec Joe Biden pour définir les détails de l'opération. Les militaires savent alors avec certitude que le leader de l'organisation jihadiste réside au troisième étage d'un immeuble occupé par des civils. L'opération s'avère d'autant plus délicate qu'elle risque de faire des victimes collatérales au sein de la population civile, ce dont a conscience Joe Biden.
L'objectif est alors de capturer Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurayshi vivant. Les Etats-Unis ont en effet l'espoir que le chef de Daesh, réputé pour être bavard, puisse leur révéler des informations précieuses en termes de renseignement militaire et diplomatique, comme il l'avait déjà fait en 2008 lorsqu'il était détenu en Irak.
Avant d'être exécutée, la mission est répétée, à la fois par les forces militaires, et par les secours prévus sur place pour prendre en charge de potentiels blessés parmi la population civile. Les militaires prévoient d'annoncer leur présence clairement et de demander aux résidents de l'immeuble d'évacuer. La durée de l'opération est évaluée à deux heures.
· "Immense tension" lors du lancement de l'opération
Le chef de l'Etat donne son feu vert mardi dernier depuis la Maison Blanche pour l'exécution de l'opération. Il est entouré par le général de l'Armée de terre des Etats-Unis et par le chef d'État-Major des armées.
Le lendemain, une "immense tension" éclate dans la salle de crise de la Maison Blanche où le président supervise "en temps réel" le début de l'opération avec la vice-présidente Kamala Harris et des membres de l'armée et de la sécurité nationale.
· L'annonce soudaine d'une explosion
Joe Biden reçoit l'information jeudi matin, alors qu'il suit l'opération en temps réel depuis la salle de crise de la Maison Blanche: une "importante explosion" a eu lieu sur place, avant même que les militaires aient pénétré dans l'immeuble. Le leader de Daesh a choisit de se faire exploser plutôt que d'être capturé, un scénario redouté par le chef de l'Etat.
"C'est arrivé assez tôt pendant l'opération", raconte un haut responsable du gouvernement.
L'explosion est plus importante qu'anticipée, détruisant tout le troisième étage de l'immeuble. Elle cause la mort d'al-Qurayshi et de treize civils, dont quatre femmes et trois enfants.
"Son intention était probablement de tuer tout le monde dans l'immeuble", estime un haut responsable du gouvernement.
· Un lieutement de Daesh abattu, un hélicoptère détruit
Les militaires pénètrent ensuite dans le bâtiment, où ils sont confrontés à l'un des principaux lieutenants de Daesh. L'homme se barricade au deuxième étage de l'immeuble avec sa femme et engage le combat avec les Américains. Il est finalement abattu.
L'opération achevée, un hélicoptère tente de quitter les lieux, après avoir rencontré des "problèmes mécaniques" pendant le raid. Il parvient finalement à décoller et à se poser en lieu sûr. Décision est alors prise de "le détruire" par sécurité, indique une source officielle.
· Derniers tirs et "soulagement" à la Maison Blanche
L'arrivée des premiers compte-rendus sur la mission provoque un "soulagement" à la Maison Blanche. Les forces spéciales parviennent à sauver une famille résidant au premier étage et considérée comme n'étant pas impliquée dans l'organisation terroriste en fin de mission.
La situation reste malgré tout "tendue" après le départ des troupes. Un hélicoptère de l'armée américaine est visé par des tirs venant d'un groupe "hostile" identifié comme étant constitué par des membres d'un groupe affilié à Al-Qaïda, selon le Pentagone. L'hélicoptère réussit finalement à quitter les lieux.
A l'issue de l'opération, Joe Biden adresse simplement quelques mots à ses hommes, faisant un "immense éloge" de ses troupes, selon des sources officielles.