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Attaqué par Donald Trump, salué par Barack Obama: qui est Alan Garber, le président de Harvard en pleine tempête

Le président de l'université Harvard, Alan Garber.

Le président de l'université Harvard, Alan Garber. - Reuters

Le président de Harvard depuis 2024, Alan Garber, a défendu le droit à "l'indépendance" de son université se refusant à plusieurs demandes de l'administration Trump.

Un duel engagé contre le président des États-Unis. Le président de la prestigieuse université Harvard, Alan Garber, s'est opposé publiquement à des directives de l'administration Trump, destinées notamment selon la Maison Blanche à lutter contre l'antisémitisme dans les campus.

De quoi mettre en rogne le milliardaire républicain. Il a qualifié ce mercredi 16 avril l'institution vieille de quatre siècles de "blague qui enseigne la haine et l'imbécilité" à "des gauchistes radicaux, des idiots et des cervelles de moineau".

Le 47e président des États-Unis a menacé de priver l'université - qui compte environ 30.000 étudiants et qui a formé 162 lauréats de prix Nobel - de près de 9 milliards de dollars de subventions fédérales et du droit d'accueillir des étudiants étrangers. Et ce, deux jours après avoir déjà coupé 2,2 milliards de dollars de subventions fédérales pluriannuelles à l'établissement.

Les républicains au congrès américain ont annoncé de leur côté avoir lancé une enquête sur Harvard ce jeudi 17 avril, en l'accusant de violer les lois sur l'égalité.

Un "audit" des opinions des étudiants et du corps enseignant

Début avril, l'administration du président avait exigé auprès des universités la fin des programmes "DEI" (diversité, équité et inclusion) et des changements dans les programmes qui "alimentent le harcèlement antisémite", selon un courrier publié par le Washington Post.

Les grandes universités américaines, jugées trop à gauche, sont dans le viseur des conservateurs. D'autant plus depuis le printemps 2024 lorsque des mobilisations étudiantes propalestiniennes contre la guerre menée par Israël à Gaza ont été organisées sur leurs campus. Les républicains avaient alors accusé les universités d'avoir failli à la protection d'étudiants juifs et leurs présidentes, dont celles de Harvard et de Columbia, avaient démissionné.

L'administration Trump a également envoyé vendredi 11 avril à Harvard un autre courrier exigeant notamment que l'université signale immédiatement aux autorités fédérales les étudiants étrangers qui commettent des écarts de conduite, et qu'elle fasse appel à une tierce partie extérieure pour vérifier que chaque faculté a une "diversité de points de vue".

Elle a aussi réclamé à la plus riche université des États-Unis un "audit" des opinions des étudiants et du corps enseignant.

Harvard n'abandonnera pas "son indépendance"

Autant d'exigences qui ne sont pas passées auprès d'Alan Garber. Dans une lettre adressée aux étudiants et aux enseignants, ce lundi 14 avril, le président de l'université a rappelé que l'institution avait déjà engagé des actions contre l'antisémitisme depuis plus d'un an. Mais surtout il a assuré qu'elle n'abandonnerait pas "son indépendance, ni ses droits garantis par la Constitution", comme le Premier amendement sur la liberté d'expression.

"Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu'elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher, ni sur quelles matières elles peuvent mener des recherches", a-t-il ajouté.

Cet économiste et médecin a pris la tête de Harvard en 2024 alors que l'université était en plein trouble. Il a succédé à l'ex-présidente démissionnaire Claudine Gay, accusée de plagiat et de complaisance vis-à-vis de l’antisémitisme sur le campus.

L’enseignant-chercheur a assuré l'intérim de la présidence à partir de janvier 2024 avant d'être nommé définitivement en août 2024 pour un mandat de trois ans. Jusqu'ici Alan Garber, âgé de 69 ans, avait plutôt agi dans le sens dicté par l'administration Trump. Selon nos confrères des Échos, il a par exemple nommé un doyen conservateur alors que plus des trois-quarts des professeurs se revendiquent progressistes. Ou encore, il expliquait, en décembre, que son université devait écouter les critiques "avec empathie et humilité", relève Libération.

Il s'est également attelé à pacifier le campus après les tensions générées par la guerre à Gaza. Quelques jours après son arrivée à la tête de l'institution, il a annoncé "la création de deux groupes de travail "l'un consacré à la lutte contre l'antisémitisme et l'autre à la lutte contre les préjugés antimusulmans et anti-arabes", selon le site de l'université. Dans ce cadre, il a lancé des groupes de parole, les "Harvard Dialogues" qui visent à "promouvoir le dialogue civil et le respect des différences".

Le journal étudiant, The Harvard Crimson, rapportait également en février 2024, qu'Alan Garber travaillait à "la création d'un groupe de travail chargé d'étudier une politique de neutralité institutionnelle".

Diplômé de Harvard et de Stanford, professeur...

Né en 1955 dans une famille juive de l'Illinois, Alan Garber est titulaire d'un double doctorat: un premier d'économie décroché à Harvard et un deuxième de médecine, avec mention de recherche, obtenu à Stanford. Il a ainsi enseigné de nombreuses années l'économie et la médecine dans cette prestigieuse université californienne où il a fondé deux centres de recherche dédiés aux politiques de santé, selon sa biographie figurant sur le site de Harvard.

En 2011, il est devenu prévôt, soit le directeur académique, de l'université d'Harvard, et ce jusqu'en 2024 avant de décrocher la présidence. Il est par ailleurs toujours professeur à Harvard et effectue des recherches "sur les méthodes permettant d'améliorer la productivité et le financement des soins de santé".

L'opposition d'Alan Garber aux ordres de l'administration Trump a été saluée par Barack Obama. "Harvard a montré l'exemple aux autres établissements d'enseignement supérieur en rejetant une tentative illégale et maladroite d'étouffer la liberté académique", a commenté sur X l'ancien président démocrate, diplômé en droit en 1991 de la prestigieuse université. "Espérons que d'autres institutions suivront", a-t-il ajouté.

"Félicitations à Harvard pour avoir refusé d'abandonner ses droits constitutionnels face à l'autoritarisme de Trump", a de son côté réagi le sénateur Bernie Sanders.

Juliette Brossault avec AFP