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Canada: comment le mariage arrangé a été utilisé pour priver les autochtones d'un retour à leur mode de vie

Un drapeau du Canada (illustration)

Un drapeau du Canada (illustration) - GREG BAKER / AFP

Le manque d'informations sur les mariages arrangés imposés par le Canada aux peuples autochtones nuit aux efforts pour retracer les enfants disparus, selon un rapport.

"Ils ne sont jamais rentrés chez eux." Le manque d'informations sur les mariages arrangés imposés par le Canada aux peuples autochtones nuit aux efforts pour retracer les enfants disparus, a déploré jeudi 5 décembre à l'AFP l'autrice d'un important rapport sur les pensionnats.

Selon les estimations, 150.000 enfants ont été envoyés dans des pensionnats au Canada entre 1831 et 1996. Nombre d'entre eux ne sont jamais revenus. Des centaines de sépultures présumées ont récemment été découvertes dans ces établissements.

Kimberly Murray, l'interlocutrice spéciale nommée par Ottawa pour étudier les tombes anonymes, souligne que les mariages arrangés étaient l'une des tactiques utilisées par le Canada pour empêcher les jeunes autochtones de retourner à leur mode de vie traditionnel.

De nombreux autochtones placés de force dans les pensionnats sont décédés de maladie ou de malnutrition, mais la disparition d'un enfant "ne signifie pas qu'il est mort", insiste-t-elle. "C'est simplement qu'ils ne sont jamais rentrés chez eux."

Retrouver la trace des jeunes autochtones

Kimberly Murray, dont le mandat expire la semaine prochaine, attire l'attention sur les mariages arrangés car ils peuvent apporter un éclairage supplémentaire sur l'endroit où les jeunes autochtones, en particulier les jeunes femmes, ont pu se retrouver.

"Si une jeune fille est dans un pensionnat et qu'elle est ensuite mariée à un garçon de l'établissement, elle perd son identité au sein de sa communauté", explique-t-elle.

Forcer un mariage faisait partie des efforts déployés par le Canada pour promouvoir la "civilisation" au sein des populations autochtones, ajoute Kimberly Murray, elle-même membre de la communauté mohawk.

Le gouvernement et les chefs religieux qui géraient le système des pensionnats tentaient de jumeler les jeunes autochtones afin de les orienter vers un mode de vie occidental.

"Nous ne savons pas quand cela a cessé"

"Nous ne savons pas combien de personnes ont fait l'objet de mariages arrangés. Nous ne savons pas quand cela a cessé", dit-elle, invoquant des restrictions imposées à l'accès aux dossiers. Elle demande au Canada une "dérogation d'intérêt public" aux restrictions encadrant la vie privée et qui bloquent l'accès aux dossiers du gouvernement.

Le gouvernement canadien n'a pas répondu officiellement à son rapport final publié en octobre, précise à l'AFP l'interlocutrice spéciale, qui demande aussi la création d'une commission indépendante chargée d'enquêter sur les décès et les disparitions d'enfants autochtones dans les pensionnats.

Elle recommande également de criminaliser la rhétorique niant les abus qui ont eu lieu dans ces écoles, un phénomène qui a pris de l'ampleur au cours de l'année dernière.

L.V. avec AFP