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Amérique Latine

Venezuela: les raisons de la colère

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Chute du prix du baril, inflation record, pénurie, insécurité. Le pays doté des plus grandes réserves de pétrole au monde est englué dans une crise socio-économique sans précédent. Une situation qui a poussé près d'un Vénézuélien sur trente à manifester cette semaine. Retour sur les raisons d'une colère générée par des années de privations et d'insécurité.

Quand il veut se rendre au travail, Luis, 25 ans, doit s’armer de patience. Il attend plusieurs heures le bus qui le mènera de son bidonville à son lieu de travail.

"Il n’y a que très peu de transports publics, à cause du manque de pièces de rechange. Et quand on en trouve, elles sont tellement chères que ça ne vaut pas le coup de réparer quoi que ce soit. Donc ils ne réparent plus rien", regrette-t-il.

Pourtant Luis habite Caracas, capitale d'un pays connu autrefois comme le "Venezuela Saoudite". Selon le FMI, l'inflation devrait y atteindre les 720% en 2016. 

Pénurie de nourriture, coupures d'électricité et d'eau...

Elba à 60 ans. Elle vit d'une modeste pension et de l'aide que lui fournit son fils. Quand elle veut faire les courses, elle doit y sacrifier une journée. D'ailleurs, elle ne peut pas y aller quand elle veut. Les Vénézuéliens peuvent aller faire le plein de biens de première nécessité une fois par semaine, à la suite du système mis en place par l'exécutif qui autorise telle ou telle personne à y aller en fonction du dernier numéro de sa carte d'identité.

A cause de la pénurie, le gouvernement rationne les produits vendus dans les supermarchés. Devant les magasins, c'est toujours le même spectacle. Des files interminables qui s'allongent. Des membres des forces de l'ordre qui se tiennent prêtes en cas d'émeute. Et puis en arrivant dans l'enceinte du commerce, toujours cette même surprise. Celle de rayons quasi-vides sous les néons à la lumière verdâtre.

Alors pour pallier au manque, Elba et ses voisins partagent ce qu'ils réussissent à avoir. Elle a également rejoint des groupes sur Whatsapp où elle est prévenue dès qu'un supermarché a été ravitaillé.

Et puis il y a aussi les coupures d'eau et d'électricité qui rythment sa journée. Prendre une douche, tirer la chasse, regarder la télévision... Les gestes les plus simples prennent des allures de marathon. 

Marché noir et prix qui s'envolent

Maria Fernanda a 40 ans et vit dans l’un des quartiers cossus de Caracas. Cette femme au foyer ne s’en tire pas trop mal, son mari a créé plusieurs entreprises, qui engrangent l’argent en dollars. Officiellement, un dollar vaut 6, 30 bolívars, mais au marché noir, ce même dollar vaut 740 bolívars. Au Venezuela, le salaire minimum est d’environ 7400 bolívars, soit 10 dollars au marché noir.

Et malgré tout, elle aussi est victime de la pénurie. Pour la nourriture, "c’est horriblement cher, pour un pain, une douzaine d’oeufs, 4 rouleaux de papier toilette et une bouteille d’eau". Elle en a pour l'équivalent de 43 euros, dont 37 rien que pour les œufs.

La pénurie concerne aussi les soins médicaux. "Ce qui m’a fait le plus mal, c’est le jour où mon fils a été très malade et que la pharmacienne m’a annoncé qu’ils n’avaient plus de médicaments", raconte-t-elle. Pour son frère épileptique, le même problème se pose. Le traitement qui lui permet d'espacer les crises n'est plus disponible. Les crises elles, sont toujours là.

Violence extrême et émigration massive

L’insécurité galopante fait également partie du panorama de la vie de cette mère, condamnée à rester confinée dans sa maison. L’an passé, l’Observatoire Vénézuélien de la Violence (une ONG) a comptabilisé 28.000 homicides pour la seule année 2015. C'est plus de 30 fois plus de meurtres qu'en France, pour une population qui en fait moins de la moitié.

Maria Fernanda et sa famille envisagent le départ à Miami prochainement. Ils sont loin d’être les seuls. Comme eux, un Vénézuélien sur dix pense partir. Entre 2000 et 2014, ils étaient environ 800.000 à avoir choisi le départ.

Marie-Caroline Meijer