Le cas emblématique d'une femme stérilisée de force étudié par un tribunal international en Amérique latine

Le drapeau du Pérou - Image d'illustration - Cris BOURONCLE / AFP
Il aura fallu plus de 20 ans à la justice pour que le cas de Celia Ramos puisse être examiné, dans le cadre de l'affaire de la stérilisation forcée pratiquée au Pérou dans les années 1997.
Cette mère péruvienne avait 34 ans lorsqu'elle est décédée en 1997, 19 jours après une intervention chirurgicale pour une ligature des trompes qui lui avait provoqué une insuffisance respiratoire.
Une opération infligée par la force, l'intervention s'insérant dans le programme national de planification familiale au Pérou. Cette mère de trois enfants avait été harcelée pour qu'elle accepte l'intervention.
28 ans plus tard, le cas de la défunte est traité ce jeudi 22 mai par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) qui compte revenir sur l'événement, ainsi que sur le cas de milliers de femmes victimes de stérilisations forcées a Pérou, rapporte The Guardian.
Stérilisation massive de centaines de milliers de femmes
La stérilisation massive de centaines de milliers de femmes, essentiellement pauvres, rurales et indigènes, dans les années 1990, est aujourd'hui considérée comme l'une des violations les plus répandues des droits humains dans le pays. Mais ni l'ancien président Alberto Fujimori, au pouvoir à cette époque, ni ses ministres de la Santé n'ont été poursuivis pour cette campagne, qui a duré des années.
En 2024, le comité des Nations unies réuni pour l'élimination de la discrimination envers les femmes avait exhorté le Pérou à indemniser les femmes stérilisées de force dans les années 1990, estimant que la politique de l'État pouvait constituer un "crime contre l'humanité".
S'il s'agit du premier cas de stérilisation forcée au Pérou à être porté devant la Cour interaméricaine, l'affaire Celia Ramos est représentative de milliers d'autres, selon Carmen Cecilia Martínez, directrice associée du Centre pour les droits reproductifs.
"La décision du tribunal pourrait obliger l'État péruvien à accorder des réparations aux victimes de cette affaire et ouvrir la voie à la justice pour d'autres", a-t-elle déclaré auprès du quotidien britannique.
"L'État péruvien devrait être tenu pour responsable"
Marisela Monzón Ramos, la fille de Celia Ramos, et l'aînée des trois filles de la défunte, se trouvait à Guatemala City pour assister à l'audience à la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
"C'est un grand pas en avant pour nous, compte tenu des années de lutte. Cela fait près de trente ans que ma mère est morte", a déclaré sa fille.
"Nous demandons justice. L'État péruvien devrait être tenu pour responsable de la mort de notre mère, qui était en parfaite santé", a-t-elle ajouté.
En 2010 déjà, une ONG péruvienne de défense des droits des femmes nommée DEMUS avait présenté le cas de Celia Ramos à la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) en 2010.
Onze ans plus tard, un rapport de la CIDH a déclaré que l'État péruvien était responsable de la violation des droits de Celia Ramos et a recommandé l'adoption de mesures de réparation et de non-répétition.
Toutefois, le Pérou n'ayant pas progressé dans la mise en œuvre des recommandations, la commission a finalement renvoyé l'affaire devant la Cour interaméricaine en juin 2023.
"L'objectif était très clair: recruter des femmes des régions pauvres, des indigènes, des paysannes et éliminer leur capacité de reproduction, en violant, entre autres, leur droit à l'autonomie en matière de procréation", a expliqué Carmen Cecilia Martínez.
Pour l'heure, l'équipe juridique espère que le tribunal déclare cette politique comme un crime contre l'humanité, ce qui éliminerait tout délai de prescription pour l'ouverture d'une enquête.