Tunisie: quand les rappeurs se syndiquent

Les rappeurs tunisiens Tuniaif, MC Bilel, Jok boss, T-Gang et BMG posent après l'annonce de la création de leur syndicat, le 10 octobre à Tunis. - -
Des rappeurs tunisiens ont lancé ce jeudi un syndicat pour défendre les jeunes musiciens, de plus en plus nombreux à dénoncer leur marginalisation et la multiplication des poursuites contre les auteurs de chansons contestataires.
"Nous annonçons le lancement officiel du Syndicat national du rap, sous le slogan 'art, réforme et solidarité' qui aura pour but essentiel la protection des droits des rappeurs", a indiqué à la presse son tout nouveau secrétaire général, Wajdi Bouzaydi, dit XCALI.
Agressions policières récurrentes
"Le rap en Tunisie s'est imposé comme un art à part entière auprès d'un large public et le rappeur mérite d'être soutenu par le ministère de la culture, et non marginalisé et ciblé comme c'est le cas depuis toujours. Même après la révolution", explique le rappeur, en référence au soulèvement qui avait chassé le régime de Zine El Abidine Ben Ali en 2011.
Les dirigeants du syndicat ont également dénoncé les entraves fréquentes sur le terrain et la répétition des "agressions verbales et physiques" de la part des policiers. "Nous voulons dégonfler la tension (...) entre rappeurs et policiers, mais ces derniers doivent aussi savoir qu'ils ne peuvent pas nous empêcher de dire librement ce que nous pensons d'eux", lance Aymen Feki dit Men-Ay, poursuivi "pour outrage à un fonctionnaire et atteinte aux bonnes moeurs".
Rappeur en cavale
Aymen et son ami "Mister Mustapha" sont accusés d'avoir provoqué des heurts avec des policiers, lors de la condamnation en juin dernier du rappeur Weld El 15 à deux ans de prison ferme pour sa chanson culte "Boulicia Kleb" (Les policiers sont des chiens), jugée insultante envers la police.
Weld El 15, qui a vu sa peine réduite en appel à six mois avec sursis, a été de nouveau condamné quelques semaines après par contumace pour avoir chanté lors du festival d'Hammamet. Il est en cavale.
Critiques contre le pouvoir d'Ennahda
Les procès contre les rappeurs, généralement des jeunes issus des quartiers populaires, ont attisé les critiques contre le pouvoir dirigé par les islamistes, accusés de vouloir limiter la liberté d'expression acquise après la révolution. Malgré cet "acharnement", les rappeurs envisagent d'organiser un festival international du rap en Tunisie, de lancer une radio et une télévision. "Il vaut mieux s'exprimer avec les rimes que s'exprimer avec les crimes", revendique Mohamed Ali Ktari.