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Egypte

Nouveau canal de Suez: Hollande salue "le lien historique" entre l'Egypte et la France

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Le président français est l'invité d'honneur des grandes célébrations qui se déroulent, ce jeudi, à Ismaïlia, au côté du très controversé chef d'Etat égyptien, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi. L'occasion de voir parader trois des Rafales vendus il y a peu. Et de mettre la France devant certaines contradictions.

C'était l'invité d'honneur de ce qui constitue un grand jour pour l'Egypte. Et tant pis si la polémique est vive. François Hollande a assité ce jeudi à Ismaïlia à l'inauguration en grande pompe, au côté du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, de la seconde voie du canal de Suez. Un impressionnant projet, mis sur pied en un temps record, hautement symbolique visant à relancer l'économie égyptienne en berne et asseoir la "légitimité" du pouvoir actuel sur la scène internationale.

"C’est pour le commerce mondial une nouvelle très importante qui va stimuler la croissance à l’échelle de la planète toute entière", a indiqué François Hollande au sortir des célébrations, avant de justifier sa présence par "le lien historique" qui unit les deux pays.

La France est liée, depuis le départ, au canal de Suez

Achevé en 1869, la première version du canal de Suez devait tout à un Français: le diplomate et entrepreneur Ferdinand de Lesseps. L'argument aurait été d'ailleurs trop beau pour qu'il soit occulté par l'actuelle présidence française, afin de justifier le déplacement de ce jeudi:

"La participation du chef de l’État à cet événement majeur pour l’Égypte revêt un caractère historique fort et traduit l’attachement des deux pays à la qualité de la relation franco- égyptienne", a ainsi expliqué l’Élysée, citée par nos confrères de Mediapart.

Dans les faits, le poids de l'Histoire ne joue qu'un rôle minime, voire inexistant, dans la présence de François Hollande en Egypte ce jeudi.

Une parade militaire une belle vitrine pour l'Hexagone

Souvenez-vous, c'était il y a peu au beau milieu du mois de février: après des années de tractations, la France et Dassault Aviation concluaient finalement un premier contrat de vente pour le Rafale, son avion de chasse longtemps boudé par les investisseurs internationaux. Le client en question n'était autre que l'Egypte, et le deal portait sur 24 Rafale et une frégate Fremm. Quelques mois après cette première vente, trois avions et le navire de guerre ont ainsi pu être livrés au Caire. Un timing serré, mais parfaitement choisi, puisqu'une parade militaire été au programme des célébrations de ce jeudi.

L'occasion pour Abdel Fattah al-Sissi d'exhiber "sa nouvelle Egypte" sur le pan militaire, là où François Hollande, accompagné de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, ont pu mettre en avant leurs technologies sous les yeux de nombreux autres chefs d'Etat et représentants également attendus pour l'occasion.

Quand l'illégitime devient légitime

Avec la présence officielle de François Hollande pour cet événement, la France offre au maréchal Abdel Fattah al-Sissi une légitimité qu'elle lui a pourtant refusée lors de sa prise de pouvoir musclée. Ce dernier avait, en juillet 2013, destitué son prédécesseur, l'islamiste Mohamed Morsi, élu pourtant démocratiquement en juin 2012. A l'époque du coup d'Etat, la France avait condamné cette action. Deux ans et la signature d'un juteux contrat plus, Abdel Fattah al-Sissi est désormais officiellement "légitime".

Pourtant la répression n'a jamais été aussi violente en Egypte: ainsi, notait Amnesty international en février dernier, entre 16.000 et 40.000 personnes ont été emprisonnées depuis l'été 2013, et beaucoup ont subi des "procès inéquitables". Dans les prisons, la torture est utilisée de manière quotidienne. Quant aux peines de mort, plusieurs centaines sont prononcées chaque année.

Une presse totalement muselée

Quelques mois après les attentats qui ont notamment visé Charlie Hebdo, et traumatisé la France, François Hollande se rend dans un pays où la liberté de la presse fait clairement défaut. Journalistes, même étrangers, emprisonnés, certains même exécutés, valent à l'Egypte une peu glorieuse 158e place sur 180 dans le classement mondial 2015 de la liberté de la presse dressé par Reporters sans frontières (RSF).

A ce titre, le Secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a interpellé le président de la République sur sa visite ce jeudi dans "l’une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes, après la Chine, l’Erythrée et l’Iran" et lui a formellement demandé d'aborder le sujet des droits de l'homme et "la question cruciale de la liberté de la presse".

Jé. M.