BFMTV
Afrique

Centrafrique: quel sera le rôle militaire de la France?

Des soldats français de l'opération Boali devant un checkpoint près de l'aéroport de Bangui, le 10 octobre 2013.

Des soldats français de l'opération Boali devant un checkpoint près de l'aéroport de Bangui, le 10 octobre 2013. - -

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé, mardi matin, l'envoi d'un millier de soldats français en Centrafrique pour une période de six mois. Quel type de mission vont-ils mener? Quelles sont les forces en présence? Éléments de réponse.

Mille soldats, pour quel type d'intervention? Ce mardi matin, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a emboîté le pas au Premier ministre centrafricain, annonçant le déploiement, dans les prochains jours et pour une durée de six mois, de 1.000 soldats français en Centrafrique, où le chaos et l'anarchie règnent depuis plusieurs mois, sur fond de conflit entre chrétiens et musulmans et d'éclatement de l'ancienne rébellion Seleka.

Lundi soir, la France a soumis un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, afin d'intervenir sous mandat onusien et de venir en renfort à la mission internationale déjà présente sur place. Quelle sera la nature de ces forces françaises déployées? Quelle mission auront-elles à remplir? Pour combien de temps la France s'engage-t-elle sur ce nouveau terrain africain? BFMTV.com fait le point.

> Combien de soldats français sont présents en Centrafrique?

Le déploiement prochain de 1.000 soldats français en Centrafrique doit venir compléter un contingent de 410 militaires déjà présents sur place dans le cadre de l'opération Boali, une mission de soutien technique et opérationnel à la force de stabilisation africaine présente en Centrafrique. L'effectif de cette force française sur le terrain, basée à l'aéroport de Bangui, où elle assure un point d'entrée aux forces militaires, a varié depuis 2002 et le début de l'opération Boali de 200 à 450 hommes, selon les besoins.

En décembre 2012, lorsqu'a éclaté le conflit entre le gouvernement centrafricain et les opposants de la Seleka, cet effectif a atteint 450 soldats.

> Quelles troupes vont être déployées?

A l'image des forces françaises déjà sur place, les nouvelles troupes seront, de toute évidence, des forces terrestres, adaptées à la situation sur ce terrain. "Il s'agit d'être au plus près des populations et de la communauté française, dans le but de les protéger, mais aussi de protéger les installations", justifie ainsi Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l'IRIS, spécialiste des questions de défense et de sécurité, interrogé par BFMTV.com.

Ces nouvelles troupes, spécialisées dans la logistique et le combat terrestres, seront à la fois des forces de soutien à la Misca, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, et des forces de réaction rapide. "Ces forces combineront troupes au sol et blindés, pour se protéger et pour transporter les armes, mais disposeront aussi d'hélicoptères. On sera sur un schéma de combat classique et moderne à la fois, comme on l'a déjà vu au Mali", explique Jean-Claude Allard.

Mais la France étant déjà engagée sur de nombreux terrains, d'où viendront ces 1.000 hommes? "Les troupes stationnées en Afrique, et notamment au Mali, étant déjà mises à contribution, ces militaires seront directement envoyés de France", estime à ce sujet Jean-Claude Allard.

> Quelles seront leurs missions?

Le rôle des troupes françaises en Centrafrique va être, de fait, renforcé. Jusqu'à présent, leur mission était d'assurer un soutien logistique à la Misca, composée de 2.500 soldats venus des pays voisins. Avec l'arrivée de 1.000 militaires français, ce volet logistique va être doublé d'un volet opérationnel, qui visera, d'une part, à renforcer la protection des communautés française et européenne installées sur place, et, d'autre part, à fournir des moyens de combat réactifs en soutien de la mission onusienne.

Cependant, bien que Jean-Yves Le Drian ait tenu à insister sur le fait que la France n'interviendra qu'en "appui", pour une action différente de celle menée au Mali, il semble difficile d'imaginer que les forces ne participeront pas à d'éventuels combats. "On ne peut pas déployer 1.000 soldats en leur ordonnant de rester l'arme au pied quoi qu'il se passe, ni les limiter à tirer uniquement en cas d'attaque", analyse Jean-Claude Allard, pour qui des "règles d'engagement" permettront sans doute aux militaires français de se livrer à des combats si les ennemis ne cessent pas leurs exactions.

Par ailleurs, le rôle diplomatique de premier plan que semble vouloir se donner Paris sur ce dossier centrafricain laisse penser que l'engagement militaire sera, à terme, bien plus que logistique.

> Sous quel mandat vont-elles intervenir?

Lundi soir, la France a soumis un projet de résolution à ses partenaires du Conseil de sécurité de l'ONU, dans lequel elle présente la mission qu'elle peut remplir. Inscrit au chapitre 7 de la Charte des Nations unies, qui prévoit le recours à la force, le texte sera soumis au vote début décembre. Lundi, l'ambassadeur français à l'ONU, Gérard Araud, a estimé que le projet de résolution pourrait être adopté dès la semaine prochaine.

La résolution propose de remplacer, à terme, les soldats français par des Casques bleus et donc de transformer la Misca en force de l'ONU de maintien de la paix. Dans un premier rapport examiné lundi par les 15 membres du Conseil, Ban Ki-moon a évoqué le déploiement de 6.000 à 9.000 Casques bleus pour sécuriser le pays.

> Pour combien de temps ?

Là encore, Jean-Yves Le Drian s'est voulu formel. Le déploiement des 1.000 soldats sera bref, pour une période "de l'ordre de six mois à peu près". Une estimation qui reste toutefois évasive, et qui n'annonce pas de date de départ précise, ouvrant donc la voie à un engagement plus long.

"En ne prévoyant pas de départ immédiat, le gouvernement joue la carte du réalisme. Car au vu de la réalité du terrain, force est de constater que le déploiement durera plus de six mois, la Centrafrique étant un problème depuis plus de trente ans", conclut Jean-Claude Allard.

Adrienne Sigel