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Algérie

Boualem Sansal: avant le jugement en appel, Bruno Retailleau "ne veux gâcher aucune chance" que l'écrivain soit libéré

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau quitte le Palais présidentiel de l'Elysée après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, le 12 juin 2025.

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau quitte le Palais présidentiel de l'Elysée après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, le 12 juin 2025. - Thibaud MORITZ

Le ministre s'est voulu mesuré dans ses déclarations au jour du procès en appel de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, ne souhaitant "gâcher aucune chance" que celui-ci "soit libéré".

Après avoir montré les muscles, Bruno Retailleau choisit la prudence. Au jour du procès en appel de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis plus de sept mois et au coeur d'une grave brouille diplomatique entre Paris et Alger, le ministre de l'Intérieur marche sur des œufs ce mardi 1er juillet.

Partisan d'une "ligne de fermeté", comme il le reconnaît lui-même sur France Inter, Bruno Retailleau met de l'eau dans son vin. Le ton se veut beaucoup moins offensif, de même que le ministre s'est progressivement mis en retrait sur le sujet, alors que le Quai d'Orsay avait pris ses distances avec la ligne prônée place Beauvau pour tenter d'ammorcer un apaisement.

"Vous comprendrez que que dans ces moments-là je ne veux gâcher aucune chance, même la moindre petite chance, de faire en sorte (que Boualem Sansal) soit libéré", explique Bruno Retailleau pour justifier son changement de pied.

"Je rappelle simplement qu'il a 80 ans, qu'il est malade (il est atteint d'un cancer à la prostate, selon ses proches, NDLR)", se contente-t-il d'affirmer.

Dans la même lignée, Éric Ciotti, chef des députés UDR et allié à Marine Le Pen, avait choisi jeudi dernier de retirer à l'Assemblée nationale sa résolution visant à mettre fin aux accords de 1968 entre Paris et Alger qui facilitent l'arrivée de ressortissants algériens.

"Même une histoire tempétueuse ne doit pas justifier l'omerta"

S'il choisit d'avancer avec parcimonie, Bruno Retailleau défend sa stratégie initiale. "J’ai toujours considéré que même une histoire tempétueuse ne doit pas justifier l’omerta. Je crois vraiment que quand deux pays ont des relations, des accords, les accords doivent être réciproques. C’est le manque de réciprocité que j’ai contesté", soutient-il sur France Inter.

Le président du parti Les Républicains conteste indirectement la ligne du quai d'Orsay, en jugeant que "la très grande discrétion" concernant le journaliste Christophe Gleizes condamné à sept ans de prison ferme pour "apologie du terrorisme" - comme l'a révélé Reporters sans frontières dimanche - n'a pas fonctionné.

Lundi, la France a déploré "la lourde condamnation" du journaliste français, réaffirmant son attachement à la liberté de la presse sans toutefois appeler Alger à le faire libérer dans c contexte de crise exacerbée entre les deux pays.

Boualem Sansal, lui, a été condamné le 27 mars à cinq ans de réclusion en première instance, notamment pour des déclarations en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Il a été accusé d'"atteinte à l'unité nationale", "outrage à corps constitué", "pratiques de nature à nuire à l'économie nationale" et "détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays".

Crise diplomatique sans précédent

L'affaire Sansal a envenimé une brouille entre Paris et Alger déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance par la France d'un plan d'autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental, territoire que se disputent depuis 50 ans le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.

Depuis, les deux pays traversent une crise diplomatique sans précédent, marquée par des expulsions de diplomates de part et d'autre, des restrictions pour les titulaires de visas diplomatiques et un gel de toutes les coopérations.

Jusqu'à présent, les multiples demandes de libération de Boualem Sansal ou d'une grâce du président algérien Abdelmajid Tebboune, "un geste d'humanité" réclamé par le président français Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte.

Certains proches de l'auteur ont cependant émis l'espoir qu'il soit gracié à l'occasion du 5 juillet, marquant le 63e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie.

Baptiste Farge avec AFP