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Afrique du Sud

L’Afrique du Sud résignée depuis longtemps à l’après-Mandela

Nelson Mandela, le 17 juin 2010.

Nelson Mandela, le 17 juin 2010. - -

L'ex-président sud-africain Nelson Mandela est hospitalisé depuis vendredi soir à Pretoria. Si la "nation arc-en-ciel" voue toujours un véritable culte au symbole de la lutte contre l’apartheid, le pays s’est depuis longtemps résigné à la disparition prochaine de "Madiba".

Tristesse mais pragmatisme. Alors que l'ex-président sud-africain est toujours hospitalisé à cause d'une infection pulmonaire, l'Afrique du Sud a depuis longtemps fait le deuil de sa présence sur la scène publique et envisagé la disparition de cette figure tutélaire.

À presque 95 ans, Mandela, hospitalisé à trois reprises depuis décembre pour des infections respiratoires, n'intervient plus dans la marche du pays depuis plusieurs années.

Son décès "ne changera pas considérablement la face de l'Afrique du Sud car il est retiré de la vie publique depuis pas mal d'années" expliquait voici déjà quelques mois Frans Cronje, directeur adjoint de l'Institut pour les relations entre les races (SAIRR). "Il a une influence politique très limitée". 

Toutefois, ajoutait-il, "peu importe quand ça arrivera, ce sera un choc et un immense deuil national, en raison de l'influence qu'il a eue sur l'Afrique du Sud de ces soixante-dix dernières années et sur la vie de la plupart des Sud-Africains".

"L'Afrique du Sud reste un pays divisé"

Mandela s'est exprimé en public pour la dernière fois en avril 2009, lors d'un meeting électoral de son parti, le Congrès national africain. À l'époque, il avait indirectement reconnu son principal échec, en lançant: "Nous devons nous rappeler que notre première tâche est d'éradiquer la pauvreté et d'assurer une meilleure vie à tous."

Élu président en 1994, pour un mandat de cinq ans, il avait rapidement délégué la gestion des affaires courantes à son vice-président Thabo Mbeki, qui lui avait ensuite succédé (1999-2008) avant d'être lui-même remplacé par Kgalema Motlanthe puis Jacob Zuma en 2009.

"Dans certaines franges minoritaires de la population, des inquiétudes persistent sur ce qui se passera si Mandela meurt", observe Olmo von Meijenfeldt, chercheur de l'Institut pour la démocratie en Afrique (Idasa). "L'Afrique du Sud reste un pays avec des divisions".

"Toutefois, Mandela n'est plus impliqué dans notre vie démocratique depuis dix ans et cela n'empêche pas l'Afrique du Sud d'être très stable depuis dix ans".

Folles rumeurs sur les réseaux sociaux

Des rumeurs persistantes, relayées par les réseaux sociaux,tentent d'accréditer l'idée d'une révolte noire et de massacres de Blancs après la mort de Mandela. Selon les analystes, de telles spéculations relèvent plus du fantasme que de la réalité.

Pour Olmo von Meijenfeldt, Mandela incarne aussi la nostalgie des premières années d'après l'apartheid marquées par "une grande euphorie et une énergie positive sur ce que le pays était capable de réaliser en travaillant ensemble, peut-être aussi un peu de naïveté sur les défis à venir".

En février 2012, le Times sud-africain, après une hospitalisation de Mandela pour des examens médicaux, écrivait encore: "Il demeure le père de notre nouvelle nation post-apartheid et sa présence, même s'il n'occupe plus l'espace public, est réconfortante. Imaginer l'Afrique du Sud sans lui plonge beaucoup d'entre nous dans un chagrin impensable".

Le ton, depuis un an, a bien changé. Au fil de ses hospitalisations successives, les esprits se sont très largement préparés à sa disparition. Au point que dans son entourage, certains proches expriment aujourd'hui ouvertement le souhait qu'on ne s'acharne pas pour le maintenir en vie.

Dimanche matin, l'un de ses amis de longue date s'exprimait ainsi dans la presse dominicale: "La famille doit le laisser maintenant, de façon à ce que Dieu puisse faire à sa façon. Ils doivent le laisser, spirituellement, et s'en remettre à leur foi en Dieu. Nous dirons merci, Dieu, de nous avoir donné cet homme, et nous le laisserons partir".


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Emmanuel Bringuier avec AFP