2012: Obama face au "mur budgétaire" et aux défis de l'Asie

"Le meilleur est encore à venir". Dans l'euphorie de sa réélection le 6 novembre, Barack Obama s'efforçait de rassurer des Etats-Unis placés au pied d'un "mur budgétaire" et confrontés aux défis d'une Asie prête à écrire l'histoire du XXIe siècle. /Photo - -
par Pierre Serisier
PARIS (Reuters) - "Le meilleur est encore à venir". Dans l'euphorie de sa réélection le 6 novembre, Barack Obama s'efforçait de rassurer des Etats-Unis placés au pied d'un "mur budgétaire" et confrontés aux défis d'une Asie prête à écrire l'histoire du XXIe siècle.
Sous une perfusion de sondages quotidiens, la plus coûteuse campagne jamais organisée (environ un milliard de dollars pour les démocrates et les républicains) a tenu l'Amérique et le monde en haleine pendant des semaines avant que les urnes rendent un verdict flatteur pour le président sortant.
Dans un contexte de crise persistante et de chômage obstiné, Obama a convaincu les Américains de le maintenir "quatre années de plus" à la Maison blanche pour poursuivre une politique qui a profondément divisé les Etats-Unis.
Face au républicain Mitt Romney, homme d'affaires soutenu par Wall Street, le démocrate a fait à peine moins bien que lors de sa franche victoire sur le sénateur John McCain en 2008.
Dans ce second combat, il a perdu deux Etats, l'Indiana et la Caroline du Nord, mais a réussi à conserver une nette majorité au sein du collège électoral avec 332 votes contre 206 à son adversaire.
Cette répartition des "grands électeurs" joue à plein son rôle de miroir déformant et reflète mal la fracture existant au niveau national entre les deux camps. Obama l'a emporté avec seulement 50% des voix contre 49% à Romney.
Pour le parti républicain qui a sauvé sa majorité à la Chambre des représentants, cette deuxième défaite d'affilée annonce une remise en cause douloureuse avant l'échéance de mi-mandat en 2014 et la présidentielle de 2016.
Le Grand Old Party a payé comptant la tentative de récupérer à son profit le mouvement ultra-conservateur du Tea Party apparu au début du premier mandat d'Obama et qui avait fait basculer la chambre basse en 2010.
En menant une campagne très clivante, Romney et son colistier Paul Ryan se sont aliéné la majorité de l'électorat féminin, des jeunes et surtout de la communauté hispanique qui s'est jetée dans les bras d'Obama.
Ce groupe ethnique est appelé à devenir un acteur essentiel de la géographie électorale américaine puisque selon les estimations il représentera 40 millions de personnes en âge de voter à l'horizon 2030.
CONTOURNER LE MUR
Rassurant au soir de sa victoire, Obama a aussi assoupli son attitude à l'égard des parlementaires de l'opposition en leur proposant d'emblée une coopération qui ne semblait pas envisageable au cours des deux dernières années, tentant de substituer la politique de la main tendue à celle de la distance polie.
Ce changement a été immédiatement accueilli par des gestes de bonne volonté du GOP. John Boehner, le "speaker" républicain de la Chambre des représentants, a admis que sa mission n'était plus de faire abroger la réforme de santé qu'Obama avait réussi à imposer en mars 2010.
L'"Obamacare" (système instaurant progressivement une couverture maladie universelle) fut la cible privilégiée de Romney et Ryan pour dénoncer les gaspillages de l'administration démocrate. Elle est désormais "la loi du pays".
Cette nette amélioration des relations entre la présidence et le Congrès était indispensable avant d'entamer les négociations sur le "mur budgétaire", épée de Damoclès suspendue au-dessus de la croissance américaine.
Le "fiscal cliff" est un phénomène de ciseaux qui risque de se faire sentir début 2013. Il découle d'une coïncidence entre la fin des exonérations fiscales décidées sous George W. Bush et prolongées pour deux ans en 2010 et l'entrée en vigueur de coupes automatiques dans les dépenses publiques prévues par l'accord de 2011 sur le relèvement du plafond de la dette.
Cette conjonction risque d'étouffer une croissance qui, à moins de 3% en rythme annuel, est loin d'avoir retrouvé son rythme d'avant la crise et freine la reprise du marché de l'emploi, même si le taux de chômage a reflué juste avant l'élection sous le seuil symbolique de 8%.
Cette reprise molle a conduit la Réserve fédérale à modifier les règles de sa politique monétaire pour se fixer en décembre des objectifs chiffrés en terme de chômage et d'inflation, tout en annonçant pour 2013 un nouveau programme d'achats d'obligations au rythme de 40 milliards de dollars par mois.
L'enjeu des négociations sur le mur budgétaire est clair: éviter d'étouffer la croissance tout en réduisant progressivement le déficit public, supérieur à 1.000 milliards de dollars par an pour une dette globale de plus de 16.000 milliards.
Pour Obama, la hausse des impôts doit concerner les 2% d'Américains les plus fortunés afin d'épargner les classes moyennes et éviter ainsi de nuire à la consommation et à l'économie. Pour les républicains, le meilleur moyen de contourner le mur est de procéder à des coupes franches dans les prestations sociales.
L'AVENIR S'ÉCRIT EN ASIE
Grande absente de la campagne électorale, la politique étrangère devrait retrouver toute sa place sur l'agenda présidentiel lors de la seconde mandature, avec un nouveau visage puisqu'Hillary Clinton s'apprête à céder le poste de secrétaire d'Etat.
Les dossiers les plus urgents concernent le Proche et le Moyen-Orient avec la guerre en Syrie, le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien, sans oublier le retrait militaire d'Afghanistan.
Pourtant, c'est vers l'Asie que Barack Obama s'est tourné juste après son élection, effectuant une tournée en Thaïlande, en Birmanie et au Cambodge, où il a rencontré le Premier ministre chinois, Wen Jiabao.
Hillary Clinton a résumé l'objectif de cette visite: "Pourquoi un président américain consacre-t-il tout ce temps à l'Asie si rapidement après sa réélection? C'est parce que l'histoire du XXIe siècle s'écrit en grande partie ici".
Obama s'est engagé à "travailler" avec la Chine mais les divergences et les désaccords entre Washington et Pékin demeurent forts, notamment dans les relations commerciales.
A ces tensions, s'ajoutent désormais des différends territoriaux, comme celui qui oppose la Chine et le Japon sur la propriété d'îlots inhabités Diaoyu/Senkaku revendiquée par les deux pays en mer de Chine orientale.
L'autre sujet de préoccupation de la Maison blanche concerne les élections législatives en Israël prévues le 22 janvier et la situation dans les territoires palestiniens.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait clairement affiché son soutien à Mitt Romney, espère conserver le pouvoir grâce à l'alliance de son parti, le Likoud, avec les ultra-nationalistes.
Les relations entre Netanyahu et Obama demeurent tendues et le président américain ne s'est pas rendu dans l'Etat hébreu, pays dont les Etats-Unis sont le plus solide allié, au cours de son premier mandat.
Le président américain a reconnu que les Israéliens avaient le droit de se défendre face aux récents tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza, il n'est pas sûr qu'il oublie de sitôt que Netanyahu a "roulé" pour son adversaire républicain.
Pierre Sérisier pour le service français