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Climat

Sécheresse, changement climatique: comment les pratiques agricoles évoluent

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La sécheresse et les restrictions d'eau imposent aux agriculteurs de repenser leur manière de travailler. Choix de céréales moins gourmandes ou de ne plus labourer, la question climatique fait émerger de nouvelles pratiques.

L'été s'annonce difficile pour les agriculteurs alors que la sécheresse succède à la canicule. Quatorze départements sont même en situation de crise, ce qui signifie l'arrêt des prélèvements non prioritaires "y compris des prélèvements à des fins agricoles".

L'année dernière déjà, une vague de sécheresse a provoqué de lourdes pertes sur les exploitations, aussi bien pour les grandes cultures que l'élevage, avec des difficultés d'approvisionnement en fourrage. Un phénomène qui risque d'être de plus en plus fréquent et de plus en plus précoce. Comme en témoigne le placement en alerte sécheresse dès le mois d'avril du département du Nord. "Le changement climatique, du fait de l'augmentation de l'évaporation liée à la hausse des températures, renforce l'intensité et la durée des sécheresses des sols", met en garde Météo France.

L'enjeu principal: stocker l'eau

Face à ces enjeux climatiques, le secteur agricole envisage de nouvelles pratiques. Pour la chambre d'agriculture régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), le problème n'est pas nouveau. "Cela fait longtemps qu'on travaille là-dessus. Ce n'est pas le jour où il fait chaud qu'il faut se poser la question de l'adaptation au changement climatique, pointe pour BFMTV.com André Bernard, président de la chambre régionale, référent sur la gestion des risques et aléas climatiques. C'est un travail de longue haleine."

Selon lui, la France pèche avant tout par sa gestion de l'eau. "Les prévisions n'annoncent pas une baisse mais une irrégularité des précipitations. Cela signifie qu'il faudra être en mesure de stocker l'eau. En Provence, nous avons cette culture de la construction de retenues, mais ce n'est pas le cas partout ailleurs. Ce qui est fait aujourd'hui n’est pas suffisant, on a trente ans de retard." Pour preuve: il arrive régulièrement que des éleveurs soient contraints d'importer du foin de l'étranger pour nourrir leurs bêtes.

Également producteur de légumes à Orange, dans le Vaucluse, il met en avant plusieurs solutions expérimentées dans sa région: la collecte des eaux de pluie, mais aussi l'irrigation en goutte-à-goutte ou encore enterrée. "Avec ces techniques, vous n'avez pas de perte par évaporation et vous minimisez votre recours en eau. Il existe même des sondes qui permettent de mesurer en temps réel l'humidité des sols et d'ajuster l'apport hydrique."

Des plantations moins gourmandes

Des expérimentations sont menées à la chambre régionale, et adoptées par certains producteurs: panneaux photovoltaïques pour faire de l'ombre aux cultures, filets anti-grêle et anti-insectes ou encore paillage organique avec couverture végétale. "Des solutions existent, il faut s'y mettre", ajoute André Bernard.

Avec l'augmentation du mercure, les cultures souffrent. C'est pour cela que de plus en plus d'agriculteurs remettent au goût du jour d'anciennes techniques agricoles, comme le méteil - un mélange de céréales et de légumineuses peu gourmandes en eau - qui répond au manque de fourrage. D'autres se tournent vers des plantations plus rustiques et moins exigeantes en eau.

C'est le cas de Jacky Berland, installé à Saint-Martin-de-Fraigneau, en Vendée. En plus du maïs, du blé et des tournesols, il cultive également le millet blanc, le moha et le sarrasin, bien moins gourmands. Il estime que les enjeux climatiques imposent une prise de conscience qui doit modifier en profondeur les pratiques agricoles. Également président de l'antenne Centre-Atlantique de l'Association pour la promotion d'une agriculture durable, il s'est engagé dans la conservation des sols.

"C'est le système agricole le plus vertueux d'un point de vue durabilité, explique-t-il à BFMTV.com. L'idée, c'est d'imiter la nature. L'environnement est un atout, pas une contrainte."

La conservation des sols

Sur ses parcelles, il a replanté 1200 arbres, 400 mètres de haie et pas question de labourer. Pour cet adepte de l'agriculture de conservation, il s'agit de ne plus travailler les sols, d'offrir une couverture végétale permanente aux cultures et surtout une grande diversité. 

"Quand une forêt pousse, le sol n'a pas besoin d'être travaillé. Avec les cultures c'est pareil. Cela permet une économie de carburant, de diminuer la mécanisation mais aussi le recours en eau. Car la couverture permanente permet de nourrir les sols et donc tous les micro-organismes qui s'y développent. Un sol vivant conserve l'humidité et un sol non travaillé stocke le carbone."

Trouver des pratiques durables mais aussi économiquement viables, c'est la mission de Maxime Moncamp, en charge de la promotion de l'agroécologie au sein de l'association Solagro.

"La plantation d'arbres sur les parcelles, le choix de semences paysannes plus résistantes, la valorisation des prairies pour le pâturage, la diversité des cultures, la couverture des sols, tout cela permet de limiter la libération de carbone, l'érosion, mais aussi l'action du soleil et conserve de l'humidité et une certaine fraîcheur, assure-t-il à BFMTV.com. Sans compter que la biodiversité présente un rempart naturel à l'usage d'engrais ou de pesticides: les coccinelles mangent les pucerons, les légumineuses fertilisent les sols, c'est un cercle vertueux."

Enterre ton slip

Une tendance loin d'être anecdotique. "De plus en plus d'agriculteurs s'interrogent sur l'impact de leurs pratiques sur la biodiversité et sur les limites de la chimie", assure à BFMTV.com Léa Thomas, animatrice de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles de la Marne. Elle a lancé au mois de juin l'opération "En terre ton slip". L'objectif: proposer aux agriculteurs d'évaluer la fertilité de leurs terres en testant la biodiversité des sols.

Le principe est simple: enterrer un slip 100% coton pendant plusieurs semaines. Mi-août, ils seront exhumés. Plus les slips seront dégradés, plus cela signifiera que les sols sont vivants. Pendant ces quelques semaines, vers de terres, champignons et bactéries devraient en principe décomposer le sous-vêtement. "De plus en plus d'alternatives émergent. Il y a un mouvement, imposé certes par le changement climatique, mais qui témoigne d'une volonté des agriculteurs."

Céline Hussonnois-Alaya