Climat: le glacier suisse de Morteratsch, témoin du réchauffement

Le glacier de Morterasch, dans les Alpes suisses, fond de plus en plus vite. - -
Non, le réchauffement climatique n'est pas qu'une série de formules mathématiques. Les experts scientifiques du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), réunis cette semaine à Stockholm, vont confirmer par écrit que les températures moyennes vont continuer à grimper à la surface du globe.
Au-delà des indigestes documents d'experts, le changement climatique se constate sur le terrain, et particulièrement au chevet des glaciers alpins. Dans les Alpes suisses, la randonnée qui relie la station de Morteratsch au glacier du même nom traverse désormais une vallée envahie de rochers, laissés là par l'inexorable fonte des glaces. Alors qu'en 1900, il fallait parcourir un kilomètre depuis le village pour arriver à la glace, aujourd'hui il faut marcher deux kilomètres de plus.
Les randonneurs habitués à grimper ces sentiers l’ont constaté de leurs propres yeux: "Je suis maintes fois venue ici ces dernières années. Et j'ai pu remarquer le rétrécissement. C'est incroyable et effrayant à la fois", raconte Ursula Reis, 73 ans, une marcheuse de Zurich, qui vient pratiquement tous les ans depuis 1953 sur ce glacier des Grisons, près de l'Italie, au sud-est de la Suisse.
Plus de la moitié des glaces des Alpes ont disparu
Les scientifiques observent attentivement le phénomène et estiment que seul le sommet du glacier a une chance de voir le prochain siècle. "Les glaciers sont un signe direct du changement climatique", souligne Samuel Nussbaumer, du Centre de surveillance des glaciers dans le monde, à l'université de Zurich.
"C'est là que vous pouvez voir la vitesse avec laquelle la glace fond", constate Gian Luck, un guide de montagne, se tenant sur la moraine de roches qui, il y a seulement trois ans, étaient cachées par un système de grottes de glace. Trois ans auront suffi pour que celles-ci s'effondrent.
En 2011, un rapport du Centre européen sur le changement climatique notait que depuis 1850, plus de la moitié des zones couvertes de glace dans les Alpes ont disparu, le volume de la glace diminuant de deux tiers.
Entre 2000 et 2010, les glaciers alpins ont perdu en moyenne plus d'un mètre d'épaisseur chaque année.
"Ils diminuent, et le rythme augmente", souligne Samuel Nussbaumer, expliquant que les vents et les précipitations jouent un rôle mais que la hausse des températures est la principale explication.
"Ces géants pourraient disparaître le temps d'une vie humaine"
Les scientifiques indiquent qu'une hausse de 4 degrés des températures par rapport aux moyennes actuelles ferait pratiquement disparaître toute trace de glace dans les Alpes à l'horizon 2100.
Les Alpes, comme l'Arctique et l'Antarctique, sont considérées comme les zones les plus vulnérables, des zones où le réchauffement peut être deux à trois fois supérieur à la moyenne. "Ces géants pourraient disparaître le temps d'une vie humaine, ou même moins", pense Sergio Savoia, directeur du groupe alpin suisse du WWF, le Fonds mondial pour la nature. La fonte des glaces n'est pas qu'une simple question "cosmétique": Sergio Savoia appelle à se préparer à de sérieuses conséquences.
Dans le monde, en effet, la fonte des glaciers est l'un des principaux facteurs de la hausse du niveau des mers, et des détails devraient être fournis sur ce point dans le rapport de l'ONU sur le réchauffement climatique qui sera publié vendredi prochain à Stockholm.
Des bâches sur les glaces, "manifestation de notre impuissance"
Les glaciers alpins, eux, ne sont pas concernés: ils n'ajouteraient qu'un millimètre au niveau des océans. En revanche, les conséquences sur la région seraient dramatiques. En été, ces glaciers alimentent plusieurs systèmes fluviaux européens comme le Rhône, le Pô, le Danube et le Rhin.
Si les glaciers disparaissaient, les effets s'en ressentiraient dans toute l'Europe, prévient Sergio Savoia.
Les tentatives de couvrir la glace de bâches ne sont "qu'une manifestation de notre impuissance", souligne-t-il, seule une action globale peut ralentir le phénomène.