Appels à la sobriété et ristourne sur le carburant: un "paradoxe" selon le climatologue Jean Jouzel

Jean Jouzel était ce jeudi l'invité du Face-à-face proposé par notre journaliste Apolline de Malherbe. Le climatologue est intervenu à notre micro à l'issue d'un été aussi brûlant que sec, qui a rendu plus palpable encore le réchauffement des températures, tandis que l'écologie s'impose comme la priorité de ce début de quinquennat.
La veille, ainsi, le gouvernement a participé huit heures durant à un séminaire dédié principalement à la crise climatique. Crise climatique qui menace de dégénérer en catastrophe sociale sur fond de tensions autour du gaz et de l'électricité provoquées par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Or c'est une autre ressource qui fait l'actualité ce jeudi: l'essence. En effet, la ristourne sur le litre de carburant passe de 18 à 30 centimes, en application d'un vote des députés fin juillet. Alors que l'exécutif ne cesse de parler de "sobriété", Jean Jouzel a pointé un "paradoxe".
"Cette mesure a un sens économiquement mais il aurait vraiment fallu l’accompagner de véritables mesures de sobriété."
Les deux pistes de Jean Jouzel
Et les pistes existent déjà selon celui qui fut vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (le Giec) entre 2002 et 2015. "J'en reviens toujours à deux propositions qui avaient été faites par la Convention citoyenne sur le climat et n’ont pas été mises en œuvre", a-t-il déploré.
"La limitation à 110 km/h sur autoroute. Personne n’ose en parler, mais on aurait pu la faire et l’accompagner de la diminution du prix du litre d’essence", explique-t-il.
Jean Jouzel a alors ajouté: "La plus large part de l’augmentation du CO2 est liée à l’utilisation de véhicules lourds, de SUV. Les citoyens proposaient une surtaxe sur les véhicules lourds, au-dessus d’1,2 tonne". Cette surtaxe a pourtant bien été gravée dans le marbre législatif... mais à un tel plafond que l'impôt en devient presque inopérant, a regretté le climatologue.
"C’est dans la loi mais au-delà d’1,8 tonne! Dans un cas, 25% des véhicules lourds auraient été taxés là c’est plus que 2%, ça n’a pas de sens".
Aller vers une "mobilité douce"
Jean Jouzel a élargi son propos pour embrasser l'ensemble du thème des mobilités. "J’espère que le SUV n'a plus d'avenir. La voie de la sobriété c’est une mobilité plus douce." Il a bientôt indiqué: "On peut aller vers des véhicules plus légers." Et le gabarit du véhicule importe autant, si ce n'est davantage que son moteur. En effet, pour le climatologue, l'électrique n'est pas l'alpha et l'oméga.
"On peut aller vers l’électrique mais si on a des véhicules électriques très lourds, ça pose des questions."
Tandis que l'Espagne vient d'instaurer la gratuité des trains de banlieue ainsi que de certaines lignes régionales, Jean Jouzel a approuvé cette "mesure intéressante": "Il faut orienter vers les transports en commun. C'était une très bonne mesure, en région parisienne, de dézoner le Pass Navigo, qui donc coûte le même prix dans les différentes zones". "Il faut aller plus loin", a exhorté Jean Jouzel.
