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Culture

Pourquoi de nombreuses statues de l'Antiquité égyptienne n'ont-elles plus de nez?

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- - FRANCOIS GUILLOT / AFP

Si l'usure du temps pouvait être une piste convaincante, la réalité, qui touche au profane et à la politique, est bien plus profonde.

Si la question n’avait peut-être pas, jusque dernièrement, déchaîné les passions, sa réponse devrait en revanche fasciner les plus ardents férus d’égyptologie. Ces derniers mois, Edward Bleiberg, conservateur au Brooklyn Museum, s’est évertué à rechercher les raisons pour lesquelles de nombreuses statues de l’Egypte ancienne n’avaient plus de nez. Et si à première vue la raison peut sembler logique, l’appendice nasal n’a logiquement pas survécu aux assauts du temps, la raison véritable est bien plus profonde.

Alors que s’ouvre ce week-end à Paris l’impressionnante exposition consacrée à Toutankhamon, l'occasion est bonne pour saisir le contexte de l’Egypte antique. En réalité, bien avant notre ère, l’imagerie artistique possédait déjà une fonction politique et religieuse importante et ces dégradations, réalisées par des iconoclastes, comprendre des professionnels de la destruction d'icônes, avaient une signification bien particulière.

Comme l’explique CNN qui reprend des propos d’Edward Bleiberg, les Egyptiens accordaient une place cruciale à l'imagerie humaine puisque pour ces derniers, au moment de la mort d’une personne, son âme pouvait entrer en possession de l'oeuvre. Ainsi, en temps politique troublé, ces dégradations pouvaient tout simplement viser la désactivation de la force d’une telle image, et ainsi empêcher l’accès à une seconde vie au défunt.

"Point de rencontre entre le surnaturel et notre monde"

Cette hypothèse est apparue après que les ablations du nez aient été remarquées sur des statues, mais également sur des bas-reliefs, où l’usure du temps a pourtant moins d’impact. Et comme le précise encore Edward Bleiberg, ces deux types de représentations, en particulier dans les temples ou sur un tombeau, étaient dans la religion égyptienne "un point de rencontre entre le surnaturel et notre monde."

Ainsi, sans le nez, la statue est empêchée de respirer et dont le condamnait une seconde fois à une mort certains dans l'imaginaire d'alors. De même manière, des feuilles pouvaient être enfoncées dans les oreilles de représentations divines afin que ces derniers n’entendent pas les prières. A l’époque pharaonique, la mutilation de cadavres, et donc de momie, était également monnaie courante afin d’obstruer le voyage vers une seconde vie.

Signification politique 

Comme le signale encore Edward Bleiberg, l’emploi d’iconoclastes, qui étaient selon ces travaux devenus des professionnels aguerris du monde de l’art, avait également une signification politique. Certains dirigeants ont en effet utilisé cette technique pour effacer des prédécesseurs de l’Histoire du pays.

En revanche, ce phénomène n’a que peu à voir avec la disparition du nez du Sphinx, qui est selon toute vraisemblance survenue au XIVe siècle, après qu’un religieux musulman ait vu d’un mauvais œil les offrandes offertes par des locaux à cette divinité.

Hugo Septier