"La femme de ménage": la traductrice de ce carton littéraire soufflée par le "phénomène"

"La Femme de ménage", de Freida McFadden, livre le plus vendu en France en 2024 - J'ai Lu
Le succès époustouflant de la saga littéraire La Femme de ménage de Freida McFadden, devenue virale sur TikTok, fait le bonheur de sa traductrice française. Karine Forestier, si elle pensait tenir un excellent thriller psychologique, ne s'imaginait pas qu'elle transposait en français un tel "phénomène".
"Je ne connaissais pas (l'autrice), je n'avais pas entendu parler du buzz autour d'elle aux États-Unis", raconte-t-elle. "Et dès que j'ai lu, j'ai pensé: elle a vraiment quelque chose."
La Femme de ménage, publié en VO en 2022, est arrivé en France en janvier 2023 chez City Éditions. Puis les ventes en poche, chez J'ai lu en octobre de la même année, ont suivi une courbe exponentielle. Le premier volet de cette trilogie a d'ailleurs terminé l'année 2024 en tête des meilleures ventes de livre en France. D'après ses éditeurs, elle cumule dans l'Hexagone 1,9 million d'exemplaires avec quatre romans.
"Le succès dépasse ce qu'il a été ailleurs. Je n'ai pas accès aux chiffres, j'attends de savoir quels droits d'auteur vont m'être versés, mais c'est un phénomène. Personne ne s'y attendait, et moi non plus", explique la traductrice à l'AFP.
Romancière et médecin
Après avoir enseigné l'anglais comme professeure agrégée, Karine Forestier, 55 ans, exerce ce métier de traductrice depuis une quinzaine d'années. Elle s'est lancée sans relations dans le milieu littéraire... ce qui lui fait un point commun avec Freida McFadden.
La romancière américaine, qui a 44 ans et signe sous pseudonyme, a quant à elle une formation de médecin. Elle exerce dans la région de Boston, comme spécialiste des lésions cérébrales, "un jour par semaine" maintenant, précisait-elle en septembre au journal canadien The Globe and Mail.
"Elle est maligne"
"La Femme de ménage", qui raconte l'arrivée de Milly, une jeune femme sortie de prison, comme bonne à tout faire dans une famille aisée, est à l'origine un livre auto-édité sur la plateforme d'Amazon. Puis il a été repéré par un petit éditeur britannique spécialisé dans le livre électronique, Bookouture, qui appartient au français Louis Hachette Group.
Hachette a curieusement laissé échapper cette autrice chez des concurrents, en France. City Éditions est une petite société par actions simplifiée. Quant à J'ai lu, il est détenu par Madrigall, le groupe de la famille Gallimard, qui a ramassé jusqu'ici l'essentiel des profits générés par les "McFans".
Les réseaux sociaux, dont TikTok, se sont emparés du livre, multipliant les chroniques et avis de fans et contribuant largement à son succès.
"J'en ai traduit pas mal, des thrillers. Celui-là, beaucoup plus vite que prévu. Je me disais: c'est très bien fichu, elle est maligne, il y a plein d'astuces! Du point de vue stylistique, c'est de la littérature de gare. Mais beaucoup de gens qui ne lisent pas habituellement sont happés", remarque la traductrice.
Une "spécialiste du cerveau" qui comprend ceux des lecteurs
"Sa force, c'est de nous emmener vers l'inattendu. Je connais des lecteurs qui ont toujours le chic pour découvrir les twists, et qui n'ont pas vu venir celui-là", ajoute Karine Forestier. "Elle qui est spécialiste du cerveau, elle doit comprendre comment fonctionnent la frustration, l'impatience, puis la récompense."
L'anglais de Freida McFadden n'est pas spécialement complexe à traduire. La Française, sans moyen de contacter l'Américaine, n'a jamais eu besoin de précisions. "C'est proche de l'oralité, j'aime bien. Tout ce qui est dialogues, j'apprécie de traduire. Et puis les protagonistes ont tendance chez elle à manier le sarcasme, l'humour noir, ce qui est un exercice intéressant", explique-t-elle.
Mais avant de s'atteler à ces best-sellers (les suites Les Secrets de la femme de ménage en 2023 puis La femme de ménage voit tout, ainsi que La Psy en 2024 et La Prof à venir en 2025), Karine Forestier a traduit un paquet de livres moins bons, qui se sont mal vendus.
"Je me suis lancée grâce à un genre qui était la romance. Ça m'a permis de mettre le pied dans la porte. Mais ensuite, on nous donne toujours la même chose à traduire", souligne-t-elle. "Je faisais ça sous pseudonyme. Je n'assumais pas, je ne voulais pas me retrouver avec des lectrices qui seraient mes élèves au lycée."