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"Un rejet des injonctions": les Français et les Françaises font de moins en moins l'amour

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C'est une baisse inédite depuis cinquante ans: les Français et les Françaises ont de moins en moins de relations sexuelles. Si le temps passé sur les écrans est en cause, il semble qu'une sexualité active ne soit plus forcément synonyme de bonheur.

Une récession sexuelle. Les Français et les Françaises font de moins en moins l'amour, selon un sondage Ifop réalisé au mois de janvier et dévoilé ce mardi 6 février. En clair: 76% des personnes interrogées ont eu un rapport sexuel au cours des douze derniers mois. Ce qui représente un plus bas sans précédent depuis cinquante ans.

En plus d'une baisse de la fréquence, l'activité sexuelle des personnes interrogées perd également en intensité. Dans le détail: quatre Français sur dix affirment avoir en moyenne un rapport sexuel par semaine, contre près de six sur dix il y a quinze ans.

Cette baisse de l'activité sexuelle semble toucher particulièrement les jeunes: plus d'un quart des 18 à 24 ans initiés sexuellement reconnaissent ne pas avoir eu de rapport sexuel en un an. Soit cinq fois plus qu'il y a une vingtaine d'années.

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Quant aux jeunes qui ont eu des relations sexuelles, c'était en moyenne un rapport sexuel par semaine pour la moitié d'entre eux - un chiffre nettement en-deçà des personnes âgées de 25 à 50 ans.

Une vie de couple sans relation sexuelle

L'institut de sondage analyse cette contraction de l'activité sexuelle "dans un contexte de dissociation croissante entre conjugalité et sexualité". Concrètement, les Françaises acceptent beaucoup moins de se forcer à faire l'amour.

Si plus d'une femme sur deux déclare toujours qu'il lui arrive de faire l'amour sans en avoir envie, c'est beaucoup moins qu'il y a quarante ans - elles étaient alors près de huit femmes sur dix. Une pression sexuelle que ressentent également les hommes: 46% d'entre eux déclarent avoir déjà eu des rapports non désirés.

L'Ifop pointe également un désintérêt "de plus en plus marqué" pour le sexe. Quelque 54% des femmes majeures et 42% des hommes déclarent qu'ils et elles pourraient continuer à vivre avec quelqu'un dans une relation purement platonique. Ce qui est le cas pour une personne en couple sur quatre qui admet ne pas ou ne plus avoir d'intimité physique avec son compagnon ou sa compagne.

"Si le devoir conjugal n'a pas totalement disparu, cette enquête met en exergue la proportion croissante de Français qui parviennent à s'affranchir d'une certaine 'normalité sexuelle' et tout particulièrement des injonctions sociales qui lient forcément le couple à une vie sexuelle intensive", observe François Kraus, directeur du pôle genre, sexualités et santé sexuelle de l'Ifop.

La concurrence des écrans

Mais sur la question de l'abstinence, les différences entre les hommes et les femmes restent très prononcées. L'absence de rapports sexuels est vécue facilement par deux femmes sur trois contre à peine la moitié des hommes. Et le manque en cas d'absence prolongée de relation sexuelle pose beaucoup plus problème aux hommes (60%) qu'aux femmes (30%).

La sexualité occupe ainsi dans la vie des femmes une place beaucoup moins grande. Si six Françaises sur dix y accordent toujours de l'importance, elles étaient plus de huit sur dix il y a une trentaine d'années.

En ce qui concerne les causes de cette récession sexuelle, si elles restent multiples, l'Ifop pointe tout de même la concurrence d'activités numériques et souligne le fait que la vie sexuelle d'aujourd'hui est "moins intense qu'avant l'ère du smartphone et du haut débit".

"Le 'temps sexuel' apparaît très nettement concurrencé par le temps passé sur des écrans qui offrent non seulement un moyen de combler ses besoins de sociabilité et/ou de sexualité mais aussi qui tend à cannibaliser le temps passé à deux", analyse encore François Kraus, de l'Ifop.

Moins de pression à une vie sexuelle active

C'est ce que laissent entendre les jeunes de moins de 35 ans vivant en couple sous le même toit: la moitié des hommes et 42% des femmes reconnaissent avoir déjà évité un rapport sexuel pour regarder une série ou un film. Pour les premiers, les jeux vidéo ou les réseaux sociaux sont également préférés aux relations sexuelles dans une proportion similaire.

Pour François Kraus, "cette étude a le mérite de mettre en lumière le fossé existant entre la réalité sexuelle des Français et des stéréotypes médiatiques qui tendent encore trop souvent à associer la bonne sexualité à une vie sexuelle trépidante".

Après des années "d'hypersexualisation de la société", il souligne "un nouveau cycle où la contrainte à avoir une vie sexuelle pour faire 'plaisir' ou 'comme tout le monde' se fait moins forte".

"Dans un contexte culturel de rejet des injonctions pesant sur le corps et l'intime, un nombre croissant de Français et Françaises semblent s'affranchir des normes qui font d'une sexualité active une composante essentielle d'une vie réussie ou, en tous cas, d'une vie de couple harmonieuse."

Étude Ifop pour Lelo réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 29 décembre 2023 au 2 janvier 2024 auprès d'un échantillon de 1911 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV