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Société

Un otage de l'Hyper Cacher témoigne: "Coulibaly m'a regardé et m'a dit: t'étais où toi?"

Des policiers devant l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à Paris, le 23 janvier 2015

Des policiers devant l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à Paris, le 23 janvier 2015 - Stéphane de Sakutin-AFP

Jean-Luc Slakmon avait jusqu'à présent gardé le silence. Cet ancien otage de l'Hyper Cacher, employé de la supérette, a décidé de raconter le traumatisme qui continue de le hanter. Au micro de RTL, il témoigne ce lundi pour la première fois de l'attaque terroriste du 9 janvier 2015 à la Porte de Vincennes.

Le traumatisme est toujours aussi douloureux. Jean-Luc Slakmon, 57 ans, ex-otage de l'Hyper Cacher, témoigne pour la première fois. Un an après l'attaque de la supérette de la Porte de Vincennes, à Paris, qui a fait quatre morts, ce survivant sort de son silence et raconte ce lundi au micro de RTL comment il parvient difficilement, au jour le jour, à survivre à ce cauchemar.

"J'ai toujours peur"

Employé comme manutentionnaire dans le magasin visé par Amedy Coulibaly, qui sera tué lors de l'assaut de la police, Jean-Luc Slakmon, père de deux adolescentes, reste hanté par ses souvenirs et revit en boucle les quelques heures de ce huis-clos meurtrier. Il vit dans la terreur. "Tout le temps, tout le temps, tout le temps, j'ai toujours peur. Quand je rentre dans un magasin, j'ai peur. Quand je prends les transports, j'ai peur", confie-t-il. Dans la rue, il n'est jamais serein. "Je regarde derrière moi, je regarde les sacs des gens. Je me retourne. J'ai toujours peur que ça recommence." S'il sait qu'il doit aller de l'avant, c'est encore impossible pour lui. Depuis un an, il est en arrêt de travail et prend des antidépresseurs.

Le 9 janvier 2015, il est en première ligne, à côté de l'entrée lorsque Amedy Coulibaly surgit avec ses armes à feu. Pour sauver sa peau, il a le réflexe de s'écarter et de plonger au sol. "J'ai fait le mort, se souvient-il. J'ai entendu crier, j'ai entendu l'affolement, les coups de kalach. C'était horrible. J'étais par terre, je tenais mon téléphone pour ne pas qu'il se mette à sonner." Lorsque les coups de feu s'arrêtent, il se lève. "J'ai vu qu'il y avait trois morts par terre, en sang. Coulibaly m'a regardé dans les yeux, avec des yeux un peu bizarres, de tueur. Il était là pour tuer, il était là pour tuer des gens. Et il m'a dit: ‘t'étais où toi?'"

"Il n'y a plus personne"

Jean-Luc Slakmon fera pourtant preuve d'un sang-froid et d'un courage exemplaires. C'est lui que le terroriste choisit pour exécuter ses ordres: débrancher les caméras de vidéosurveillance, bloquer la porte de derrière. C'est également lui qu'Amedy Coulibaly envoie au sous-sol pour vérifier que des personnes ne s'y sont pas retranchées. C'est pourtant le cas. Jean-Luc mentira, permettant ainsi de sauver la vie de tous ceux qui se cachaient dans la chambre froide. Le jihadiste lui demande: "Est-ce qu'il y a encore des gens en bas?'" Il répond: "Il n'y a plus personne."

Jean-Luc Slakmon n'a pas encore pu trouver la force de retourner au magasin, qui avait rouvert ses portes deux mois après le drame. Mais il y sera samedi, pour la cérémonie d'hommage. S'il reste marqué par l'attentat, il reconnaît vivre "une deuxième vie".

Céline Hussonnois Alaya