Télétravail, heures sup, jour de congé: comment les entreprises se préparent au 5 décembre

La station de métro parisienne République fermée lors de la grève du 13 septembre 2019 - Stéphane de Sakutin-AFP
La journée s'annonce noire jeudi 5 décembre dans les trains, métros et bus. Alors que salariés des transports et des services publics seront en première ligne dans la contestation contre la réforme des retraites, les grandes, moyennes et petites entreprises tentent de s'organiser pour ne pas se retrouver totalement à l'arrêt.
Télétravail et espaces de coworking
Chez Total, dont le siège se trouve à La Défense, à proximité de Paris, cette journée se déclinera largement sous le signe du télétravail. "Téléconférence, visio-conférence, il y a de nombreux outils qui permettent de continuer à travailler", assure-t-on à BFMTV.com. Au sein du groupe, pour une demande de télétravail occasionnelle, "il suffit d'un email à son N+1 et d’un accord écrit en retour".
L'option télétravail est même généralisée chez Axa, à titre exceptionnel, à tous les employés, qu'ils soient alternants ou en CDD, précise-t-on. Afin que les salariés évitent le siège de La Défense fortement dépendant aux transports en commun, il leur est possible de travailler sur un autre site plus facilement accessible, "sous réserve que l'activité exercée et les conditions logistiques le permettent", a expliqué l'assureur dans un message adressé à tous les collaborateurs.
Chez Saint-Gobain aussi, dont le siège se trouve dans ce quartier d'affaires du Grand Paris, si le télétravail sera également possible pour une grande partie de ses salariés, cette entreprise française spécialisée dans la production de matériaux propose "des espaces de coworking en dehors de la ceinture du périphérique parisien", indique-t-on.
Et si "du fait d'une immobilité totale des moyens de transports en commun et de l'absence de moyens alternatifs", le salarié ne peut se rendre sur son lieu de travail, il pourra bénéficier d'un crédit d'une demi-journée "sur présentation d'un justificatif émanant de la SNCF ou de la RATP", ajoute Axa.
Heures supplémentaires et journée non décomptée
Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Île-de-France, s'attend à "une journée morte" et craint surtout que le mouvement ne se prolonge. "Certains salariés doivent faire 150 ou 200 km pour se rendre sur leur lieu de travail, précise-t-il à BFMTV.com. Cela pose aussi question pour les fournisseurs, les clients." La solution envisagée par certaines de ces petites et moyennes entreprises: des heures supplémentaires programmées en amont "pour combler ce jour qui sera compliqué".
"Certaines entreprises pourront payer l'hôtel à leurs salariés, c'est déjà arrivé, notamment dans le cas de chantiers qui doivent être finis. D'autres petites boîtes pourront aussi ne pas décompter la journée à leurs salariés, il y a une grande solidarité dans les petites entreprises", défend Bernard Cohen-Hadad.
Du côté des très petites entreprises (TPE), les solutions ne sont pas nombreuses. C'est ce qu'explique Christine Castaing, vice-présidente de l'Organisation nationale des très petites entreprises (Ontpe) qui représente les sociétés de moins de vingt salariés.
"Les TPE, ce sont des indépendants, des commerçants, des artisans. Pour eux, c'est forcément un jour de travail en moins, ils n'ont pas le choix. Comment voulez-vous que le livreur d'un petit commerce fasse son travail si Paris est bloqué? Comment voulez-vous que la secrétaire qui habite en banlieue rejoigne son bureau?"
Pour Christine Castaing, ce sont les TPE qui vont le plus pâtir de cette situation. Pour ces petits entrepreneurs et leurs salariés, ce sera certainement un jour de congé ou de RTT. "Quelques patrons pourront accorder la journée ou proposer de la récupérer par des heures supplémentaires."
Jours de congé et taxi
Stéphanie Caussé dirige trois magasins d'esthétique à Paris. Pour sa trentaine de salariées, qui habitent principalement en banlieue et prennent toutes les transports en commun, la location de vélo ou de trottinette n'est pas envisageable. "J'ai pensé à la solution Uber mais j'ai peur que les prix flambent", s'inquiète-t-elle. Elle envisage de covoiturer elle-même certaines de ses salariés. "On est dans l'expectative."
Mickaël de Backer, le fondateur de l'agence Vaaden - un studio créatif spécialisé dans la réalisation de vidéos multi-formats - n'exclut pas lui non plus de rembourser le voyage en taxi à certains des quatre membres de son équipe. "S'ils en trouvent", confie-t-il à BFMTV.com. "Heureusement, le plus gros des tournages sera fini avant. On sera en post-production au moment de la grève. Mais pour les petites boîtes plus fragiles, dont les salariés doivent traverser toute l'Île-de-France, je ne sais pas comment elles vont faire."
Ce qu'il craint: que la grève soit reconduite. "Cela deviendrait compliqué si nos clients, qui sont pour la plupart dans l'ouest parisien ou à La Défense et eux-mêmes tributaires des transports en commun, n'étaient pas joignables. Tout serait gelé." Mickaël de Backer s'inquiète même que les répercussions se fassent sentir sur l'ensemble du mois de décembre.
"On va être impacté mais je ne sais pas à quelle hauteur. Si les projets ne peuvent pas avancer, nos prestations ne seront pas réglées. Or, à la fin du mois, le couperet tombe, il faut payer les salaires et les charges sociales." Si la grève devait être reconduite, cet entrepreneur pourrait demander à ses salariés de prendre des jours de congé.
Quid des services à la personne?
Mais pour certaines professions, il n'y a aucun plan B. "Nous nous occupons de personnes qui attendent nos visites et qui en ont besoin pour se lever, s'habiller, se laver ou manger", explique à BFMTV.com Amir Reza-Tofighi, président de la Fédésap, la Fédération du service à la personne, qui représente plus de 3300 entreprises du secteur. Il se dit inquiet, notamment pour l'agglomération parisienne.
"Les plannings sont déjà optimisés pour que les salariés aient le moins de déplacement possibles mais nous sommes fortement dépendants des transports en commun. Je ne sais pas comment on va faire. On risque de se retrouver coincé et dans des situations potentiellement dramatiques."
Au sein de sa propre entreprise Vitalliance, un service d'aide à domicile pour personnes âgées ou handicapées, ses salariés interviennent auprès de personnes particulièrement dépendantes qui nécessitent un accompagnement 24 heures/24. "80% des personnes chez qui nous nous rendons sont en situation de handicap, parfois lourds avec des trachéotomies, des personnes tétraplégiques ou des locked-in syndrome. Un salarié pourra exceptionnellement rester plus longtemps si la personne qui doit le remplacer ne peut pas arriver. Mais cela ne sera pas tenable plusieurs jours. Dans ce cas, il faudra hospitaliser les personnes."