Quand Manuel Valls expliquait pourquoi il serait très compliqué d'interdire le salafisme

Manuel Valls le 3 octobre 2017 à l'Assemblée nationale. - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
"Je pense qu'il faut prendre un acte fort, politique, à caractère symbolique, d'une interdiction du salafisme". Ce dimanche sur BFMTV, Manuel Valls a proposé d'interdire le salafisme, en réponse aux attaques commises à Trèbes et Carcassonne par Radouane Lakdim vendredi, qui était radicalisé.
"Je reconnais que c'est extrêmement difficile, on peut fermer des mosquées, un des imams salafistes de Marseille est en voie d'expulsion", a-t-il nuancé.
Une proposition dont se sont étonnées plusieurs voix, certaines soulignant que Manuel Valls lui-même l'avait par le passé jugée impossible à réaliser.
"Je m'étonne que Manuel Valls, qui avait eu l'occasion, dans ses fonctions précédentes, de dire qu'un certain nombre de mesures n'étaient pas possibles, ni matériellement, ni juridiquement, les propose aujourd'hui", a par exemple déclaré Boris Vallaud, le porte-parole des députés socialistes.
Débat avec NKM en 2016
S'il a souvent ciblé le salafisme, minoritaire dans l'islam de France, Manuel Valls a en effet pourtant été l'un des premiers à douter de la faisabilité d'une interdiction en tant que telle. En 2016, lorsqu'il était chef du gouvernement, il a ainsi eu un débat à ce sujet avec Nathalie Kosciusko-Morizet. A l'époque, la députée Les Républicains avait proposé dans une tribune publiée sur L'Opinion de "rendre le salafisme illégal". Une idée reformulée lors d'une question au gouvernement, à l'Assemblée. Deux voies avaient été évoquées:
"Il est temps de déclarer le salafisme hors la loi. Comme dérive sectaire, ou comme atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, choisissons la voie la plus sûre", avait déclaré l'ancienne ministre.
Difficile de trouver "le bon outil"
En réponse à Nathalie Kosciusko-Morizet, Manuel Valls avait estimé qu'il ne s'agissait pas du "bon outil".
"Oui le salafisme qui a détruit et perverti une partie du monde musulman est un danger pour les musulmans eux-mêmes, et donc un danger aussi pour la France. Pour le combattre vous avez évoqué la question des sectes (...) Je ne suis pas sûr que ce soit le bon outil: d'une part (...) il n'y a pas de définition des sectes en droit", avait-il précisé, redoutant en outre qu'une telle mise "hors la loi" ne contrevienne à la liberté de conscience.
"Ces organisations savent parfaitement échapper à la justice en dissimulant leur véritable nature, car vous n'ignorez pas que la liberté de conscience en France est une liberté fondamentale, consacrée par tous nos principes et nos textes", avait ajouté Manuel Valls lors de cette séance dans l'hémicycle.
"L'islam de France a son rôle à jouer"
Avec la qualification de "dérive sectaire", le chef du gouvernement d'alors redoutait aussi une forme de "déresponsabilisation". "Je dis aussi: attention (...) à tout signe qui laisserait à penser qu'il y a une déresponsabilisation. Que ceux qui plongent dans le salafisme seraient en quelque sorte les victimes d'une grande manipulation, comme pour ce qui concerne les sectes. Non, il y a aussi cette part de volonté personnelle qu'il ne faut jamais écarter", insistait-il.