BFMTV
Religions

Islam radical : comment tombent-ils dans le terrorisme ?

Quartier de l'Esplanade à Strasbourg, lors de l'interpellation de plusieurs suspects samedi 6 octobre

Quartier de l'Esplanade à Strasbourg, lors de l'interpellation de plusieurs suspects samedi 6 octobre - -

Samedi, 12 personnes étaient interpellées dans un vaste coup de filet anti-terroriste. Français, éduqués et anciens délinquants, ils présentent souvent le même profil. RMC a voulu savoir comment ils pouvaient tomber dans l’islamisme radical.

Ils sont Français, et leur profil n’est pas sans rappeler celui de Mohamed Merah. Mais qui sont vraiment les 12 personnes arrêtées et placées en garde à vue après le vaste coup de filet anti-terroriste mené samedi à Paris, Strasbourg, en Seine-et-Marne et dans les Alpes-Maritimes, en particulier à Cannes ? Les capacités et l'organisation du groupe démantelé sont encore floues, mais le profil des suspects inquiète les enquêteurs. Jeunes, Français, ils se sont souvent convertis à l'islam radical après des faits de délinquance.

« Ils cherchent quelque chose pour sortir de la délinquance »

Pour Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à Toulouse et agrégé d'arabe, le profil est souvent identique : « Ils sont natifs de France et se retournent contre leur pays. Ils se radicalisent de façon extrêmement rapide. Le passage, la conversion vers l’islamisme radical est vue par ces individus comme un salut. Ils sont en train de chercher quelque chose pour sortir de la délinquance, et ils perçoivent dans l’islamisme radical quelque chose d’attractif pour des jeunes perdus et qui ne savent pas à quel saint se vouer », analyse-t-il.

« Des jeunes qui ont fait des études… »

Même analyse pour Dounia Bouzar, chercheuse, spécialiste du fait religieux qui a siégé au Conseil français du culte musulman et qui voit le discours radical porter de plus en plus auprès de jeunes en recherche de repères. « Ce discours commence à faire autorité sur des jeunes qui ont eu une enfance difficile, mais aussi d’un niveau social élevé, remarque-t-elle. Des jeunes qui ont fait des études, et qui vont se mettre en rupture universitaire, sociale, familiale ». Pour arrêter les embrigadements, il faut donc avant tout, selon elle, chercher ce qui peut pousser un jeune à céder. « Il y a un vrai travail à faire, on ne pourra pas trouver le remède tant qu’on n’aura pas trouvé la maladie. Le grand mystère, c’est que des jeunes aussi différents tombent dans l’autorité de ce discours ».

Une radicalisation des prisonniers

Bien souvent, le dénominateur commun de ces radicaux est la délinquance dans laquelle ils sont tombés. La radicalisation se fait d’ailleurs généralement en prison, alors qu’il y aurait 20 000 prisonniers musulmans pratiquants actuellement incarcérés en France. Jean François Forget, surveillant de prison et secrétaire général du principal syndicat de surveillants, l’UFAP, constate tous les jours la radicalisation de certains détenus sur le terrain. « Ce sont des comportements de tous les jours, note-t-il, la prière, ils se laissent pousser la barbe. Vous vous rendez compte que sur un étage où 40% mangent halal, au bout d’un mois ou deux, c’est tout le monde ». Les informations sont donc centralisées pour suivre l’évolution des prisonniers et leur éventuelle radicalisation. « C’est plein de petits phénomènes qu’on identifie, et tout ça remonte à l’administration pénitentiaire avec un relais avec les forces de l’ordre pour suivre ces réseaux tant au niveau pénitentiaire qu’à l’extérieur ». Et au sein même de la prison, les gardiens essayent d’éviter tout risque. « A chaque fois qu’un détenu tente de radicaliser d’autres détenus, ils sont bien évidemment séparés et déplacés », note-t-il, tout en regrettant de devoir faire avec les moyens du bord : « Le problème que l’on rencontre par ailleurs, c’est la difficulté au regard du peu de place, parce qu’on est en surpopulation carcérale. On fait avec ce que l’on a, et je trouve qu’on s’en sort pas trop mal ».

La rédaction, avec Stéphanie Collié