Porno chez les ados: 6 garçons sur 10 ont déjà surfé sur un site X

YouPorn dans toutes les cours de récré? Accéder à un site pornographique théoriquement interdit aux mineurs n'a jamais été aussi facile et aussi courant chez les moins de 18 ans. Une étude de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique révèle que 63% des garçons et 37% des filles ayant entre 15 et 17 ans ont déjà surfé sur un site classé X. Cette généralisation de l'accès à la pornographie via Internet s'explique par la multiplication des écrans, notamment ceux des smartphones.
Le problème est, selon les associations, l'image biaisée de la sexualité que véhiculent ces sites, alors que les adolescents construisent leur vie intime, expérimentent leurs premiers rapports, et que les plus jeunes ne sont pas du tout en âge de recevoir de telles images.
Plus tabou pour les parents que pour les enfants?
"J'y suis déjà allé comme la plupart des jeunes de nos jours", explique à BFMTV un adolescent. "Ça ne m'est jamais arrivé d'y aller volontairement car je sais que ce n'est pas représentatif de la vraie vie", explique une autre.
Mais si certains possèdent le background pour garder à l'esprit le côté fictionnel de ces vidéos, d'autres ont beaucoup plus de mal à opérer le distinguo.
"Je pensais que c'était comme ça. Je me disais que le cul, ça devait ressembler à un film porno. Que si ça ne ressemblait pas à ça, c'est que c'était pas bon, qu'on ne faisait pas les choses bien", explique encore une adolescente.
Un dialogue utile avec les parents ou un adulte référent participerait sans doute à une remise en perspective de ces visionnages. Mais, d'après l'enquête, moins d'un parent sur deux en moyenne s'enquiert de ce que consulte son enfant sur Internet.
"Nos enfants nous protègent en ne nous le disant pas"
La société est-elle trop permissive quant à l'accès aux sites internet pornographiques? C'est assurément la position du professeur Israël Nisand, gynécologue obstétricien, et président du collège national de ces derniers.
"Ce sont eux qui nous protègent en ne nous le disant pas", tranche-t-il sur BFMTV à propos du fait que les enfants ne sont pas enclins à parler de leurs visites, intentionnées ou non, sur les sites de vidéos et images classées X.
Au fond, le problème est selon lui le suivant: "Nous interrompons leur fantasmagorie, leur manière de se construire leur sexualité en leur laissant à disposition les fantasmes les plus pervers et les plus transgressifs. (...) La formation à la sexualité n'est pas faite dans notre pays, la loi de la France n'est pas respectée, mais, rassurez-vous, la pornographie le fait à notre place", ironise-t-il.
Israël Nisand identifie trois mesures qui selon lui aideraient à empêcher que les enfants n'accèdent à ces contenus: "Un, dire aux enfants: ça vous fait du mal. Quand on a regardé Rocco Siffredi (célèbre acteur porno, NDLR) avec la taille de son sexe et qu'on n'imagine pas que ce soit des trucages, on dit :'Je n'y arriverai jamais'. Donc ça donne des bouffées d'angoisse aux jeunes, garçon comme fille, terribles. Deuxièmement, en prévenant les parents que ça fait du mal à leurs enfants, tous ne le savent pas. Troisièmement, en conditionnant l'accès à la pornographie sur Internet à un numéro de carte bleue au nom du respect de la protection des mineurs dans notre pays."
L'autre "comme instrument de jouissance"
Thérèse Hargot, sexologue proche de la Manif' pour tous, fait de son côté le constat que "les choses changent à une vitesse folle et que nous, adultes, avons toujours un train de retard, voire dix".
L'intervenante expose son opinion sur la pornographie: "La vision de la sexualité présentée par la pornographie est quand même une vision récréative, pulsionnelle. L'objectif, c'est la jouissance et donc l'homme et la femme sont transformés en instruments de plaisir. Les fantasmes sont mis en scène et donc finalement, ce qu'ils vont avoir comme vision de la sexualité, c'est l'autre comme instrument de jouissance, c'est l'autre comme objet de jouissance. La personne est réduite à l'état d'objet sexuel. Alors après, ne nous étonnons pas de voir les fameux #balancetonporc et compagnie. C'est un continuum. Finalement, l'autre n'est qu'un objet de jouissance", insiste Thérèse Hargot.
D'autres spécialistes au contact des jeunes préfèrent rappeler les vertus du décryptage et de l'explication:
"Si je tombe sur un porno amateur et que j'ai, 'je ne sais pas, quinze ans', je vais avoir plus tendance à croire que c'est de vrais gens comme vous et moi qui se sont filmés. Une partie du message que l'on essaye de véhiculer, c'est de dire: 'Les gens que vous voyez, soit ce sont des acteurs, soit ce sont des gens qui ont été payés et qui ont quelque chose à gagner là-dedans. Et la réalité ce n'est pas ça'", détaille Jean-Baptiste Lésignan, responsable du pôle santé jeunesse au Crips Ile-de-France.