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Plus de 11.000 enfants en situation de handicap attendent une place en institut médico-éducatif

Le ministère de l'Éducation nationale indique à BFMTV qu'au moins 11.000 enfants en situation de handicap attendent une place dans un institut médico-éducatif. Ils se retrouvent donc souvent à l'école de leur secteur sans bénéficier d'un accompagnement adapté à leurs besoins.

Adam a 7 ans, mais il est encore en maternelle. Souffrant d'un important trouble du développement intellectuel, il va à l'école deux fois par semaine, dans l'attente d'une place dans un institut médico-éducatif (IME). L'école n'est pas adaptée à ses besoins, explique sa mère, Yasmina:

"Il reste en général deux minutes sur une activité, après il s'en lasse vite" et "il perd patience, il a envie de sortir", décrit-elle.

Yasmina et Adam attendent une place dans un IME depuis un an. Les IME sont des établissements médico-sociaux qui "accueillent des enfants et adolescents âgés de 3 à 20 ans présentant une déficience intellectuelle" et dont les besoins ne correspondent pas à ce que l'école du secteur peut proposer, explique le site du gouvernement dédié au handicap. Les IME dispensent à la fois des soins et une éducation adaptée.

"L'école, c'est vrai que ça leur fait trop, mais nous aussi, en tant que parents, on se retrouve épuisés moralement et physiquement", explique Yasmina.

11.000 enfants en attente

La situation d'Adam et Yasmina n'est pas si rare. En France, une loi de 2005 reconnaît à tout enfant porteur de handicap le droit d’être inscrit, en milieu ordinaire, dans l’école dont relève son domicile. L'objectif était de développer l'inclusivité de l'école et quantitativement, cela a été fait.

Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est ainsi passé d’environ 100.000 en 2006, selon le site dépendant des services du Premier ministre vie-publique.fr, à plus de 430.000 à la rentrée 2022, selon le ministère de l'Éducation nationale. Ils sont accompagnés par 132.200 AESH, des personnels chargés de favoriser leur autonomie.

Mais parmi eux, certains devraient plutôt se trouver en IME, plus adaptés à leurs besoins, comme Adam. Le ministère de l'Éducation nationale estime auprès de BFMTV qu'au moins 11.000 enfants sont actuellement à l'école alors que leurs besoins nécessitent une prise en charge en institut médico-éducatif.

Des enfants "en souffrance"

"Ces élèves, ces enfants, qui ont besoin d'un accompagnement particulier, de soins, sont souvent par défaut à l'école et s'y retrouvent en souffrance", en classe mais aussi à la cantine ou lors des récréations, décrit à BFMTV Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat des enseignants de l'UNSA.

Le syndicat a des remontées d'enseignants qui ont "l'impression de ne pas faire ce qu'il faut, voire parfois de maltraiter ces enfants". Ils constatent des "écarts considérables" sur le plan scolaire et parfois "des enfants qui ont de grosses difficultés à gérer leur propre comportement", explique Stéphane Crochet. Dans certains cas, ces enfants qui n'ont pas de place en IME "ne peuvent pas supporter le bruit, les contraintes de l'école comme le fait de rester assis", ajoute-t-il

"Dans le meilleur des cas, nous réussissons à avoir des AESH, qui vont aider à ce que ça ne se passe pas le plus mal. Mais ce n'est pas l'aide dont ces élèves ont besoin".

Une pétition pour une place en IME

Hélène Penhouet attendait depuis quatre ans que sa fille Lisa obtienne une place dans un IME dans l'Oise. Lisa a 11 ans et demi et souffre de troubles des fonctions cognitives et de troubles des fonctions motrices. En mai dernier, une évaluation de ses capacités a estimé qu'elles étaient celles d'une élève de "fin CP, début CE1", selon sa mère. Elle était dans une classe de niveau CM1-CM2 Ulis, un dispositif qui propose des aménagements et des adaptations pédagogiques à des élèves en fonction de leur handicap, mais bénéficiait d'un "maintien exceptionnel", selon Helène Penhouet. "Elle risquait une déscolarisation à la fin de l'année", explique celle qui est également AESH.

Fin 2022, elle a donc lancé une pétition demandant la construction de "plus d'IME en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer". Grâce à cette pétition et à la médiatisation de son combat, Hélène Penhouet a finalement obtenu une place pour sa fille dans un IME.

"C'est une chance d'avoir trouvé une place mais c'est parce que je me suis battue, sinon elle aurait été déscolarisée. Elle aurait dû aller chez mes parents quatre fois par semaine, ils auraient eu du mal à gérer", explique-t-elle à BFMTV.com.

"En tant que parents, quand nos enfants sont diagnostiqués, on sait déjà que ça va pas être facile, mais on a aussi une charge exponentielle concernant l'administratif. On se demande où vont se retrouver nos enfants l'année prochaine", décrit-elle.

Pas assez de sorties, selon le gouvernement

La ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, explique ce manque de plus de 11.000 places par des flux sortant bouchés dans les IME. Elle promet au micro de BFMTV un "grand travail d'évaluation de ces jeunes et de ces adultes qui sont dans des IME et qui ne devraient pas y être".

Selon une étude de la Drees publiée en mai 2022, portant sur des chiffres de 2018, 24% des personnes accompagnées par les IME ont plus de 18 ans. 7,3% ont plus de 20 ans, soit 5150 personnes. Elles restent dans ces IME au titre de l'"amendement Creton", un article d'une loi de 1989 qui permet le maintien de jeunes adultes dans leur structure médico-sociale "au-delà de 20 ans dans l’attente de l’intervention d’une solution adaptée".

La direction des études du ministère de la Santé note aussi que 14% des personnes sortant des IME se retrouvent à domicile, sans activité et sans prise en charge médico-sociale. Un tiers d’entre elles s’oriente "vers l’éducation générale ou professionnelle" et 16% "rejoignent des structures davantage occupationnelles ou bien passent par une période d’hospitalisation".

Sophie Cazaux avec Véronique Fèvre