Plus d'un Français sur cinq victime de maltraitance durant son enfance

Les enfants maltraités sont sans doute bien plus nombreux que ce que disent les statistiques officielles. - BFMTV
Selon une enquête Harris Interactive pour l'association de protection de l'Enfance L'Enfant Bleu, 22% des personnes interrogées déclarent avoir été victime d'une maltraitance grave alors qu'il était mineur. Selon le point de vue dont on apprécie le nombre, ça fait plus d'un enfant sur cinq ou près d'un quart de la population. Vertigineux.
Mais qu'entend-on par maltraitance? La définition donnée pour les besoins de l'enquête est claire et précise. Il s'agit du "fait d’avoir été régulièrement victime de coups/menaces/insultes, absence de soins ou d’hygiène ou d’avoir été au moins une fois victime de viol ou d’agression sexuelle."
2,5 fois plus d'agressions sexuelles pour les filles
Dans la ventilation par types d'atteintes à aux enfants actées par l'association, une autre donnée étonne: 16% sont des agressions sexuelles. Et dans ce cadre 72% des victimes sont des filles contre 28% de garçons. Il s'agit ici "principalement", précise l'association, "d'attouchements surtout vécus par les jeunes filles".
Pour le reste des actes de maltraitance, ils se déclinent selon l'ordre décroissant suivant:
8% de maltraitance psychologique (menaces, insultes, humiliations);
5% de violences physiques régulières (coups);
3% de négligence répétée (manque de soins, d'hygiène).
Encore un tabou pour près de 8 Français sur 10
- Autre enseignement de cette enquête, la maltraitance infantile ou des adolescents reste un tabou pour 80% des victimes qui n'en ont pas parlé au moment des faits. Ceux qui ont pu en parler disent à 61% que les atteintes ont alors cessé partiellement ou totalement.
Parallèlement aux victimes, il y a aussi l'entourage qui parfois se tait. Ainsi selon l'enquête 47% des sondés estiment probable qu'il y a dans leur entourage au moins une personne ayant subi des actes de maltraitance. Et 36% sont convaincus qu'un cas de maltraitance s'est produit dans leur entourage ces dernières années.
- Ils sont aussi 19% a concéder avoir su, mais n'avoir rien fait. Dont 30% à cause d'un manque de preuves.
La parole de l'enfant décrédibilisée?
- Les faits sont globalement accablants. Selon une étude de l'Inserm (Institut Nationale de la Santé et de la Recherche Médicale) plus vaste et plus ancienne, deux enfants meurent chaque jour en France sous les coups ou par manque de soins. Et 80% des maltraitances ont lieu au sein de la famille.
"Quand on est maltraité, on émet des signaux que les professionnels de la santé, s'ils étaient bien formés, pourraient détecter", estime Françoise Hochart, médecin spécialisée dans la maltraitance. "Quand on pense aux écoles, ils sont au contact des enfants en permanence et on ne les y forme pas. C'est un sujet qui est douloureux, qui fait mal à tout le monde et qu'on n'a pas envie de voir. Donc, par moments, on l'occulte un peu", poursuit-elle.
Dans le témoignage de Leila recueilli par RMC, souffre-douleur pendant des années de sa mère, la mention "maigre par manque d'alimentation" était inscrite en rouge par le médecin.
Les pouvoirs publics sous-estiment-ils le phénomène? Anne Turz, chercheuse à l'Inserm en convaincue. Elle a estimé à 255 les homicides d'enfants de moins d'un an, contre 17 selon les statistiques officielles.
Dans un livre coécrit avec Pascale Gerbouin-Rérolle, elle écrit:
"Tant qu’on ne reconnaîtra pas le problème de la maltraitance, voire qu’on ne le nommera (…) pas, qu’on n’utilisera pas des outils validés pour dépister, en population générale (sans préjugé de classe), la souffrance de certains enfants, écrasés par des violences psychologiques dont la traduction est muette, on continuera à tenir un discours vide de fonds scientifique (…). La philosophie de la non-stigmatisation aboutit à l’oubli de milliers d’enfants abandonnés dans leur silence et à la répétition, dans une famille, des mêmes faits graves sur les enfants suivants… "