Le violentomètre, un outil contre la banalisation des comportements abusifs dans le couple

Depuis le 1er janvier 2019, 76 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-conjoint, selon le décompte du collectif "Féminicides par compagnon ou ex". Un chiffre glaçant qui rappelle que les violences conjugales tuent tout au long de l’année: en 2018, 121 femmes ont été tuées de la même manière, d'après le ministère de l'Intérieur. Depuis quelques jours, les mobilisations se multiplient et un outil refait surface sur les réseaux sociaux: le violentomètre.
Mis en place en 2018 par la mairie de Paris, les Observatoires des violences faites aux femmes de Paris et Seine-Saint-Denis et l'association En avant toute(s), cette échelle établit une graduation pour évaluer la toxicité d’une relation. "Quand les femmes doivent-elles s’alarmer?" Le violentomètre établit trois zones avec différentes catégories. En vert, les situations rencontrées par les couples ayant une “relation saine”. En orange, les cas de violence: "Vigilance, dis stop!". Enfin, dans la zone rouge, les situations où la femme est en danger et doit "demander de l’aide".
Développement des cyberviolences
"Ces catégories ciblent les situations saines et nocives repérées par les associations qui aident les femmes victimes de violences conjugales", explique à BFMTV.com Clémence Pajot, directrice du centre Hubertine Auclert, qui a adapté le violentomètre.
"On a par exemple mis en avant le cybercontrôle avec la 'fouille des textos, mails' et les cyberviolences avec l’envoi de 'photos intimes' (en zone orange, ndlr). Ce sont des nouvelles formes de violences auxquelles sont particulièrement exposées les jeunes filles", note-t-elle.
Un tiers des femmes victimes de sévices sont soumises à de la cyberviolence, et ce taux grimpe à 60% chez les femmes de moins de 25 ans, précise Clémence Pajot s'appuyant sur un rapport publié en 2018 par le centre Hubertine Auclert. "Il y a une hyperbanalisation de ces actions chez les jeunes", regrette Louise Delavier, de l’association En avant toute(s) qui a participé à la conception du violentomètre. En effet, au cours des premières relations amoureuses, il n’est pas toujours évident de se rendre compte que l’on est victime de comportements abusifs.
"Nombreuses sont celles qui prennent la jalousie et la possessivité de leur conjoint comme une preuve d’amour, constate Louise Delavier. Et les hommes aussi pensent que c’est une façon normale d’exprimer son amour", ajoute-t-elle.
Normalisation de la jalousie et de la possessivité
"Je suis le seul à penser qu’être jaloux et contrôler les sorties c’est normal?", s’interroge par exemple un internaute en réaction à la catégorie du violentomètre.
Les films, les textes des chansons… "La société encourage ces comportements avec la diffusion de stéréotypes et les résurgences du patriarcat", reproche la représentante de l’association En avant toute(s) qui espère que le violentomètre sensibilisera les jeunes femmes à ces comportements "qui sont tout sauf normaux".
"Cet outil est fondamental pour faire le distingo entre les relations saines et toxiques, explique Clémence Pajot, la directrice du centre Hubertine Auclert. Certaines femmes ont du mal à réaliser que ce qu’elles vivent constitue des violences morales, physiques et/ou sexuelles car leur conjoint exerce une emprise sur elles. Ils retournent la culpabilité en leur faisant croire qu’elles sont responsables de la situation. Il est très difficile de s’en sortir."
Savoir identifier les violences dès le plus jeune âge
Le violentomètre a déjà été distribué dans des collèges et lycées de Seine-Saint-Denis et de Paris et sa diffusion sera étendue à tous les établissements scolaires du second degré dès la rentrée prochaine. "Plus tôt on cible les violences, plus tôt les jeunes femmes sauront reconnaître les relations toxiques et en sortir", prévient Clémence Pajot. Sur Twitter, nombre de femmes témoignent d’une prise de conscience grâce à cette gradation.
Mais "le chemin à parcourir est encore long", prévient Louise Delavier. Car entre la prise de conscience d’une situation violente et le moment où une femme décide de demander de l’aide, le processus peut prendre beaucoup de temps. "25% des femmes de moins de 25 ans subissent des sévices mais seules 10% d'entre elles bénéficient d’une aide extérieure", rappelle Clémence Pajot.