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Le "ribcage bragging", la nouvelle tendance maigreur sur les réseaux sociaux qui inquiète

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Alexandra Stewart-flickr-CC

Le "ribcage bragging", ou le fait de s'afficher les côtes saillantes sur les réseaux sociaux, est la nouvelle tendance chez les jeunes filles. Pour les spécialistes des troubles alimentaires, ce phénomène n'est pas anodin. Et pour les féministes, c'est une nouvelle forme de violence.

C'est la nouvelle tendance maigreur inquiétante sur les réseaux sociaux. Après "l'ab crack", le "bikini bridge" -le creux au niveau du bas-ventre en position allongée- le "thigh gap" -l'écart entre les cuisses- ou encore le "A4 challenge" -avoir la taille pas plus large qu'une feuille de papier- voici venu le "ribcage bragging". Le principe: poster une photo de son corps en maillot de bain ou en sous-vêtements les côtes bien saillantes.

Se vanter d'avoir les côtes apparentes

C'est le quotidien britannique Daily Mail qui a évoqué pour la première fois ce phénomène, dont l'expression est tirée de "ribs", pour les côtes en anglais, ainsi que du verbe "brag", que l'on peut traduire par "se vanter". En clair, il s'agit de se vanter d'avoir les côtes apparentes.

Les images de ces jeunes filles, particulièrement maigres, se multiplient sur les réseaux sociaux. Parmi les figures de cette tendance: la mannequin Emily Ratajkowski -qui était déjà la référence en terme "d'ab crack", cette ligne creuse en dessous de la poitrine au niveau des abdominaux- la starlette Kourtney Kardashian ou encore la très en vue Bella Hadid, bien qu'aucune d'entre elle n'ait revendiqué le terme "ribcage bragging".

Un phénomène de mode qui fait tache d'huile

Pour Vincent Dodin, psychiatre et chef de service de psychiatrie à l'hôpital Saint Vincent de Paul de Lille, ces tendances qui se développent ces dernières années sont d'autant plus inquiétantes qu'elles ont un effet de mode et poussent de nouvelles jeunes filles à s'y identifier.

"Il y a une surenchère d'autant plus préoccupante que ces images deviennent un challenge, un moyen de faire le buzz en se montrant le plus maigre possible. Sans compter la capacité de contagion de ce phénomène sur les réseaux sociaux qui fait à chaque fois tache d'huile avec un aspect addictif, du même ressort que la toxicomanie", estime pour BFMTV.com le spécialiste des troubles alimentaires, également auteur de "Anorexie, boulimie en faim de conte".

"Le ribcage est votre nouvel accessoire"

Le phénomène a envahi les réseaux sociaux au point qu'il existe même un compte Instagram intitulé Ribcage bragging qui compte près de 2000 abonnés et affiche pour slogan "le ribcage est votre nouvel accessoire". Pour Guy Carrot, psychiatre à l'hôpital Bellevue de Saint-Étienne et responsable de l'unité de soins spécialisée dans les troubles alimentaires, ces jeunes filles sont perdues et à la recherche de repères.

"Elles passent leur vie à se comparer, elles sont en quête d'un groupe, d'une communauté. Au lycée, ces jeunes filles se repèrent et se réunissent entre elles, comme à la cantine. Or, ces comportements ne sont pas anodins, il ne faut pas occulter le fait que les troubles alimentaires les mettent en danger, beaucoup de filles meurent encore d'anorexie ou de boulimie", regrette-t-il pour BFMTV.com.

Pas de côtes saillantes naturellement

Paradoxalement, les images de "ribcage bragging" sont souvent accompagnées de hashtags comme #BodyPositivity ou #AllBodyTypes faisant la promotion de toutes les morphologies et rejetant le culte de la maigreur. "Le phénomène n'est pas nouveau. Catherine de Sienne, au 14e siècle, était anorexique, avec un aspect mystique. Il y a différentes formes d'anorexie mais la maigreur reste associée au contrôle de soi, à la performance, la volonté", remarque également Guy Carrot.

Si ces notions positives et d'acceptation de soi sont parfois associées à ces tendances sur les réseaux sociaux, dans la réalité il n'en est rien. Le psychiatre Vincent Dodin tient à rappeler que, naturellement, les femmes ne sont pas censées avoir les côtes saillantes. 

"Il existe des morphologies longilignes. Quelques très rares personnes peuvent avoir un indice de masse corporelle inférieur à 18,5, considérées comme maigres. Mais la question des côtes saillantes n'est pas morphologique. Ces jeunes femmes qui s'exhibent ainsi sont certainement obsédées par leur poids et s'astreignent à un régime drastique. Elles n'ont pas ce qu'on appelle un poids de forme naturel. On oublie qu'une femme pubère est une femme qui voit sa masse adipeuse, musculaire et osseuse augmenter, la question des rondeurs féminines fait partie de la physiologie des femmes."

Une forme de violence

Pour Marie Allibert, porte-parole d'Osez le Féminisme, le "ribcage bragging" est avant tout une nouvelle illustration des critères de beauté et diktats physiques imposés aux femmes.

"Il y a une pression permanente qui pèse sur les femmes pour être encore plus maigre, toujours plus maigre, analyse-t-elle pour BFMTV.com. Quelle que soit la forme, le ressort est le même: les femmes se fixent des objectifs inatteignables. Une logique qui découle des profils valorisés au cinéma, dans la publicité, la mode. Cet objectif impossible tient les femmes en échec et sapent leur confiance."

Selon la militante féministe, ces injonctions sont bel et bien une forme de violence. "Le mythe selon lequel les femmes s'auto-infligent ça est abusif et tordu. Car ce système repose sur la mise en concurrence des femmes, plutôt que sur la solidarité, un des plus anciens leviers du patriarcat."

Céline Hussonnois-Alaya