"Le fabuleux voyage de Seb et Sofyan": pourquoi regarde-t-on des influenceurs voyager?

Les youtubeurs Seb et Sofyan sortent ce mercredi une série documentaires sur leurs voyages dans quatre pays à travers le monde. Leurs abonnés l'attendent pour en apprendre plus sur d'autres pays, mais aussi pour découvrir les aventures des deux influenceurs.

Ils ont participé en Corée du Sud à un concours qui consiste à ne rien faire, sont apparus parmi les danseurs du clip d'un chanteur indien... Pour des vacances entre amis, le programme était déjà hors du commun. Mais peu de personnes peuvent se targuer de voir leurs voyages à l'étranger filmés et diffusés par Canal+.

C'est pourtant le concept de la série documentaire des youtubeurs Seb et Sofyan, qui sort ce mercredi 15 octobre. Pendant huit épisodes, on suit les deux amis lors de leurs voyages en Corée du Sud, en Inde, en Afrique du Sud et en Roumanie. Ils racontent leurs aventures au travers de différentes activités et d'objets ramenés en France: un rouleau de papier toilette, une poupée indienne...

En adaptant les codes d'Internet à un format plus télévisuel, Seb et Sofyan ont finalement réalisé une version très produite d'un type de vidéo populaire sur les réseaux sociaux: le vlog voyage. C'est en partie ce qui enthousiasme Pauline, 27 ans. "Avec mon copain, les vlogs voyage, c'est ce qu'on consomme en priorité", témoigne-t-elle auprès de BFMTV.

Suivant de près les contenus produits par Seb et Sofyan, elle a particulièrement hâte de découvrir leur série, y voyant un moyen d'en apprendre plus sur d'autres cultures. "Je suis intéressée par les pays du monde entier, j'aime voir comment ça se passe ailleurs. Je n'ai pas beaucoup voyagé quand j'étais jeune donc ça appuie sûrement ce désir", affirme-t-elle.

Du carnet de route au vlog

Laura* aussi attend la série avec impatience. Elle suit depuis plusieurs années les documentaires produits par Seb, au Kirghizistan ou en Papouasie par exemple. C'est pour cette étudiante de 22 ans un moyen de "découvrir des endroits que tout le monde n'a pas les capacités financières ou physiques de découvrir, comme quand il est allé au Groenland. Et on découvre la culture locale à un niveau qu'on n'a pas le temps de découvrir quand on reste cinq jours en vacances quelque part".

Les contenus axés autour du voyage ne sont pas nouveaux, l'industrie du tourisme étant un secteur économique majeur. En France, il représente 8% du PIB et deux millions d’emplois directs et indirects, selon le gouvernement. À la télévision par exemple, les émissions sur cette thématique sont nombreuses: Rendez-vous en terre inconnue, Échappées belles, J'irai dormir chez vous, Des racines et des ailes...

"Les vlogs de voyages viennent s'inscrire dans la continuité des formats traditionnels, comme les émissions et les documentaires pour la télévision. Mais avant cela, c'était les carnets de route, les guides touristiques", souligne Sébastien Appiotti, enseignant chercheur en communication au Celsa (Sorbonne Université). "Il y a une dimension aspirationnelle: le vlog permet de s'évader", ajoute-t-il.

Mise en scène de soi

Ce type de vidéo s'est en outre développé dans un contexte où les récits intimes et personnels sont particulièrement mis en valeur. "Une importance plus grande est accordée depuis les années 2000 à l'expression de soi, la valorisation des points de vue subjectifs et la mise en scène des émotions en ligne, notamment avec les réseaux sociaux", explique Sébastien Appiotti.

Des vidéos de 30 minutes montrant un créateur de contenu dont on a suivi toutes les aventures s'inscrivent plus dans cette tendance que des guides de voyages assez dépersonnalisés.

C'est ce qu'Amélie apprécie lorsqu'elle regarde des vlogs. Cette chargée de communication suit par exemple tous les ans les vlogs d'août de Léna Situations. Ces deux dernières années, l'influenceuse y a accordé une grande place aux voyages, aux États-Unis en 2024 et autour de la Méditerranée en 2025.

"Les voyages qu'elle fait, Léna situations, c'est très bien pour elle. Mais moi, je ne regarde pas pour ça, l'énergie qui émanait de ses 15 jours de road trip cet été, on aurait pu l'avoir à Paris. Elle ne montre pas beaucoup les lieux où elle est, c'est plus un contexte prétexte pour qu'elle et ses amis s'amusent", estime Amélie.

"On suit un influenceur pour sa personnalité, sa vie… Dans les vlogs, ce qui est plus montré, c'est sa relation avec ses amis", plutôt que les paysages, ajoute-t-elle.

Avec un influenceur, "le sentiment de proximité et d'identification va être beaucoup plus fort que pour le Guide du routard ou le journaliste dans les médias traditionnels", abonde Sébastien Appiotti.

Un mode de vie "embourgeoisé"

Ce processus d'identification n'a pas que des avantages. Plus ils gagnent en notoriété, plus les influenceurs accèdent à des opportunités, financières par exemple, qui ne sont pas celles du commun des mortels. Peu de personnes peuvent, comme Seb et Sofyan, partir aux quatre coins du monde en l'espace de quelques mois.

L'un des hôtels où Léna Situations et ses amis ont dormi cet été, La Mamounia à Marrakech, au Maroc, ne propose pas de chambres à moins de 500 euros la nuit (pour les dates les moins demandées). Pour obtenir, comme Inoxtag, un permis d'ascension du mont Everest, il faut débourser 15.000 dollars, sans compter les nombreux autres frais liés à cette expérience.

"On ne peut pas reprocher aux gens qui ont les moyens de voyager de me faire, mais c'est indécent de se filmer en disant j'ai fait quatre voyages et de projeter son aisance financière", juge Marie, 28 ans.

"Il y a une tension pour ces influenceurs entre valoriser une trajectoire sociale un peu transclasse, disant, 'regardez d'où je suis parti et je reste le même', et en même temps 'j'ai un mode de vie aspirationnel'", explique Sébastien Appiotti.

"Il y a un défi important pour les créateurs de contenus assez exposés sur la conciliation d'un mode de vie qui s'est embourgeoisé et des choses assez importantes pour l'influence, comme la prétention à la proximité et l'authenticité."

Des enjeux écologiques

L'accès aux vacances est en effet très inégalitaire, comme le souligne le Crédoc, le Centre d'études et d'observation des conditions de vie, dans une analyse publiée en juin. Selon le Crédoc, 78% des cadres supérieurs sont partis en vacances au cours des douze derniers mois en janvier 2024, contre 47% des ouvriers. Les vacances désignant ici les séjours hors du domicile d’au moins quatre nuits consécutives pour des raisons non professionnelles.

Peut-on compenser un vol en avion en plantant des arbres?

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Les vidéos d'influenceurs autour du voyage font également grimacer certains pour des raisons écologiques. Alors qu'en France, l'été 2025 a été le troisième plus chaud depuis le début des mesures en 1900, derrière les étés 2003 et 2022, voir des personnalités multiplier les moyens de transports émetteurs de CO2, l'avion en premier plan, peut sembler déconnecté des enjeux liés au réchauffement climatique.

C'est ce qu'exprime par exemple un commentaire sous l'un des vlogs d'août de Léna Situations en Grèce. "Merci pour ces vlogs pleins de joie! Un truc qui me peine beaucoup c'est de voir l'intense utilisation de l'avion dans tes contenus et spécifiquement dans ces vlogs d'août... On est plusieurs à ressentir la même frustration et déception. Limite ça nous gâche le plaisir de regarder tes contenus", affirme l'utilisateur, l'appelant à "promouvoir d'autres formes de voyage".

La prochaine saison de la série de Seb et Sofyan pourrait-elle avoir lieu en Corrèze ou dans l'Ain?

*Le prénom a été modifié

Sophie Cazaux