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"Jungle" de Calais: "nous devrions être libres, mais nous n'avons nulle part où aller"

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Cette semaine signe l'évacuation partielle du camp de Calais. La moitié des migrants, soit près de 2.000 personnes, devront avoir quitté le bidonville d'ici mercredi. Les habitants de la "jungle" redoutent pour beaucoup ce départ. Certains parce qu’ils s’y sont reconstruit une vie, d’autres parce qu’ils redoutent l’après Calais. Reportage.

Le plus grand bidonville de France est en passe d'être démantelé. Fin janvier, environ 600 migrants avaient été évacués de la "jungle" de Calais pour des raisons de sécurité. A présent, c'est la moitié de la superficie du camp que les autorités françaises souhaitent vider. Mais dans ce camp de réfugiés, certains ont l'impression d'être relégués au rang d'animaux. 

"C'est très compliqué. Il fait froid, il y a du vent et ce n'est pas propre. Nous n'avons pas de vêtements. Mais j'espère qu'on ne bougera pas. Parce que nous sommes des humains. Nous devrions être libres. Et puis nous n'avons nulle part où aller. Si on nous évacue, ça posera un gros problème", explique un migrant afghan en marchant en sandales sur les sols boueux du camp, en plein mois de février.

Migrant afghan qui marche en sandales en plein mois de février
Migrant afghan qui marche en sandales en plein mois de février © BFMTV

Nombreux sont les migrants qui redoutent l'après Calais. Deux solutions sont proposées aux réfugiés qui doivent évacuer les lieux: rejoindre le Centre d'accueil provisoire au sein même du bidonville, où les places sont très limitées, ou intégrer l'un des 102 centres d'accueil et d'orientation disséminés en France. Problème: les autorités auraient sous-estimé le nombre de personnes habitant dans la "jungle". Officiellement, ils seraient un millier dans la zone sud du camp, contre 3.455 personnes selon les associations. Au bout du compte, les familles expulsées pourraient se retrouver dans une situation encore plus précaire qu'aujourd'hui, faute d'hébergement suffisants. D'autres pourraient être renvoyées chez elles. 

Alpha habite à Calais depuis un an, il y a construit sa maison
Alpha habite à Calais depuis un an, il y a construit sa maison © BFMTV

Certains réfugiés ont trouvé une solution, temporaire, comme Alpha qui sera hébergé chez une habitante de Calais.

"C'est difficile de s'en aller comme ça"

Ce mauritanien vit dans la "jungle" depuis presque un an et c'est le cœur lourd qu'il quitte le bidonville. Car ici, il s'est reconstruit un semblant de vie. "Là c'est ma cuisine et là mon poulailler", dit-il en désignant une cage créée avec les moyens du bord, des planches, des morceaux de grillage. Un peu comme sa maison au toit de paille et aux murs bleus, de la couleur de la bâche qu'il a clouée dessus. "J'ai construit le toit en trois semaines et la maison en deux", raconte-t-il fièrement. Cette "maison bleue sur la colline", c'est son cocon, comme l'indiquent les lettres géantes et en plastique qui forment le mot "home", à quelques mètres de la porte d'entrée. Des lettres qui servent aussi de clôture et délimitent son jardin.

"Je ne peux pas dire que je suis content. Ce n'est pas facile avec tout ce qu'on a fait, avec le temps qu'on a vécu ici, les amitiés qu'on a liées, le monde qu'on a connu. C'est difficile de s'en aller comme ça... Mais bon, on n'est pas au dessus des lois, on les respecte, les lois", confie-t-il de sa voix douce, son sac à dos vissé sur ses épaules. 

Si certaines ONG avaient demandé le démantèlement du camp dans les plus brefs délais il y a quelques mois, à présent de nombreuses associations humanitaires sont vent debout contre l'expulsion. Car comme les migrants, elles redoutent l'après Calais. Elles ont déposé un recours au tribunal administratif qui sera examiné mardi. 

M.-C. M. avec Julien Migaud Muller, Kelly Laffin et Antoine Vassas