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Société

"Jungle" de Calais: l'évacuation d'une zone inquiète les associations

Des migrants dans la "jungle" de Calais, le 21 février 2016

Des migrants dans la "jungle" de Calais, le 21 février 2016 - PHILIPPE HUGUEN, AFP/Archives

Les associations locales de soutien aux migrants de la "Jungle" de Calais s'inquiètent de l'évacuation d'une zone de la lande ce mardi. Le nombre de personnes à évacuer aurait été multiplié par trois ne correspondant plus aux chiffres communiqués par les autorités.

Les associations locales ont soutenu ce lundi que le nombre de migrants campant dans la moitié sud de la "jungle", qui sera évacuée d'ici mardi soir, était plus de trois fois supérieur à celui fourni par les autorités, réaffirmant leur hostilité à cette évacuation.

Vendredi, invoquant "l'extrême urgence" en raison de multiples incidents provoquant une tension croissante dans le Calaisis, la préfecture avait pris un arrêté. Affiché le jour même dans le camp, il établissait l'évacuation des occupants de la zone sud du camp dit de la Lande d'ici mardi 20h00, faute de quoi les forces de l'ordre interviendraient.

Entre 800 et 1.000 migrants dans la zone à évacuer

La demande des autorités avait été formulée une semaine plus tôt auprès des migrants, via les associations actives dans la "jungle". Elle fait l'objet d'un référé de ces associations, suspensif, qui doit être plaidé devant le tribunal administratif de Lille mardi après-midi et précédé d'une visite sur place d'un magistrat de cette juridiction, selon des militants associatifs.

Selon la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio, "entre 800 et 1.000 personnes" campent dans la zone à évacuer.

Dans une conférence de presse commune au siège de l'Auberge des Migrants, une demi-douzaine d'associations (Secours catholique, Emmaüs...) ont affirmé que le projet concernait "3.450 personnes, dont 300 mineurs isolés" tandis que "1.900 personnes dont 100 mineurs isolés" campent dans la zone nord.

Pour procéder à ce recensement, "nous avons divisé la zone en neuf secteurs et une vingtaine d'équipes de deux personnes qui connaissaient bien la jungle, ont compté les migrants tente par tente", a expliqué Annie Gavrilescu, une bénévole britannique.

Un migrant est assis sur les marches d'une maison en préfabriquée dans la jungle de Calais, le 16 février 2016
Un migrant est assis sur les marches d'une maison en préfabriquée dans la jungle de Calais, le 16 février 2016 © PHILIPPE HUGUEN, AFP/Archives

Six migrants en procès à Boulogne-sur-mer

Selon Vincent De Coninck, bénévole au Secours Catholique, l'expulsion des récalcitrants "risque d'entraîner le déplacement des migrants vers d'autres camps dans la région, ce qui ne ferait que déplacer le problème".

L'Etat veut que les migrants de la zone sud aillent s'installer dans les conteneurs chauffés du Centre d'accueil provisoire jouxtant la "jungle", où 300 place sur un total de 1.500 restent disponibles, ou partent du Calaisis pour rejoindre l'un des 102 Centres d'accueil et d'orientation (CAO) aménagés à leur intention un peu partout en France. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve devait visiter l'une de ces structures pour en faire la promotion, lundi au Mans.

Fermeture de la zone pour cause d'exactions

Selon le Secours catholique, "beaucoup de migrants ne veulent pas aller en CAO, car n'ayant pas renoncé à leur projet de rejoindre l'Angleterre".

Vincent De Coninck a déclaré que les associations n'étaient pas "pour le maintien du bidonville", mais qu'elles trouvaient les solutions proposées par la préfecture "pas suffisantes". "On n'est pas dans une opposition stérile et idéologique", a-t-il dit.

La préfecture du Pas-de-Calais a justifié la fermeture de la zone sud entre autres par "les exactions" commises par des migrants, notamment sur l'axe routier stratégique menant au port, et qui "sont à l'origine d'une aggravation du niveau de tension" avec "la population calaisienne au cours des trois dernières semaines".
Carte de la ville de Calais, de son port, du site du tunnel sous la Manche et des campements de migrants : "Jungle", centre de jour et centre d'accueil provisoire en dur
Carte de la ville de Calais, de son port, du site du tunnel sous la Manche et des campements de migrants : "Jungle", centre de jour et centre d'accueil provisoire en dur © Kun TIAN, Paul DEFOSSEUX, AFP

"L'Amaigrissement" progressif de la "jungle"

Lundi après-midi devait aussi s'ouvrir à Boulogne-sur-Mer le procès se huit manifestants (six migrants et deux militants "No border"), pour être montés de force en janvier sur un ferry dans le port de Calais. Depuis les faits, les six migrants sont en détention provisoire.

L'action s'était déroulée à l'issue d'une manifestation de migrants et de sympathisants de plusieurs pays européens, qui réclamaient l'ouverture de la frontière avec le Royaume-Uni. 24 migrants et 11 militants de No Border avaient été interpellés, dont les huit, qui étaient restés sur le bateau pendant trois heures.

L'intrusion sur le ferry était survenue au moment où la préfecture du Pas-de-Calais bouclait dans le calme la première phase de "l'amaigrissement" de la "jungle" avec le déménagement d'entre 500 et 700 migrants vivant sur une bande de 100 m de profondeur surplombée par la rocade portuaire.

A.-F. L. avec AFP