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Géolocalisation, revenge porn: le gouvernement alerté sur le "cybercontrôle" au sein du couple

Une femme devant un ordinateur (photo d'illustration).

Une femme devant un ordinateur (photo d'illustration). - GOU YIGE / AFP

Le HCE remet ce mercredi un rapport d'une centaine de pages sur les violences en ligne envers les femmes à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat en charge du numérique. Il émet 28 recommandations pour mieux appréhender l'ampleur de ces violences et les combattre.

En mars 2017, le Haut Conseil à l'Egalité (HCE) s'est autosaisi d'un sujet dont on commence à peine à réaliser l'ampleur: les "violences sexistes et sexuelles faites aux femmes en ligne". Une expression pas choisie au hasard par le HCE, qui la préfère au terme de "cyberviolences" parfois utilisé, afin d'accentuer la réalité de ces violences et leurs conséquences sur la vie des victimes, loin d'être "virtuelles". Ce mercredi, le Conseil remet le fruit de son travail à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat chargé du numérique sous la tutelle du Premier ministre: il s'agit d'un rapport d'une centaine de pages qui dresse un constat accablant et émet 28 recommandations précises pour mieux appréhender ces violences et les combattre.

Les femmes jeunes et militantes particulièrement visées

Comme le souligne le document, que BFMTV.com a consulté, 73% de femmes ont déclaré avoir été victimes de violences en ligne selon les estimations de l'ONU, et 18% d'entre elles ont été confrontées à une forme grave de violence sur internet. Insultes, harcèlement moral et sexuel, menaces... Ces violences peuvent prendre différentes formes et recouvrent d'après le décompte du HCE plus d'une vingtaine d'infractions existantes. Les femmes constituent la très grande majorité des victimes et les hommes la très grande majorité des agresseurs. Ces violences visent particulièrement les femmes jeunes et celles qui dénoncent le sexisme, qu'elles soient militantes féministes, youtubeuses ou encore journalistes. 

Le cybercontrôle au sein du couple

Le rapport s'attache en particulier à étudier le cybercontrôle au sein du couple, sur lequel il existe peu de données chiffrées en France. Ce phénomène recouvre le fait de contrôler l'activité de sa conjointe ou de son ex à son insu ou non via des outils numériques de géolocalisation ou de surveillance. Ce qui englobe également le "revenge porn", qui consiste à diffuser des images ou vidéos intimes d'une partenaire ou d'une ex sans son consentement dans le but de l'humilier. En Grande-Bretagne, d'après une enquête menée par l'une des principales associations qui aide les femmes victimes de violences, 85% d'entre elles ont dit avoir subi des violences dans la vie physique et la vie numérique, et pour 1 sur 3 cela a impliqué l'utilisation de logiciels de géolocalisation et de surveillance. "Le cybercontrôle est à la portée de tous les agresseurs", pointe le rapport.

Nécessiter de former les professionnels

"On a découvert l'ampleur de ce phénomène pendant nos travaux", explique Ernestine Ronai, co-rapporteure et co-présidente de la commission violences au HCE. Contactée par BFMTV.com, elle explique avoir été sensibilisée à ce sujet par des psychologues et des avocats ayant accompagné des femmes victimes de violences conjugales. Elle relate par exemple le cas de ce père qui offre un téléphone portable à son enfant et le dote d'un logiciel de géolocalisation afin d'obtenir l'adresse de son ex-conjointe.

"Cela permet aux agresseurs de poursuivre leurs ex et les violences conjugales continuent via ce contrôle", explique Ernestine Ronai. "On sait que cela existe, il faut maintenant former les professionnels", poursuit-elle. 

Le HCE conseille de renforcer la formation des policiers, gendarmes, avocats et magistrats et de leur proposer notamment un guide pratique spécifique. Mais aussi d'interpeller les industriels sur l'utilisation malveillante possible de certains outils.

Changer la loi pour prendre en compte les "raids"

L'autre forme de violence étudiée en détail par le rapport est le harcèlement sexiste et sexuel en ligne. A ce sujet, le HCE alerte en particulier sur les "raids" et sur la nécessité d'intégrer cette pratique à la définition actuelle du harcèlement, trop restrictive. C'est ce qui est arrivé par exemple à la journaliste Nadia Daam. Après une chronique sur le forum jeuxvideo.com sur Europe 1, elle a été harcelée et menacée massivement lors d'attaques coordonnées qui ont abouti à l'envoi de dizaines de milliers de messages. De tels "raids" peuvent s'étendre sur des jours, des mois, parfois des années et croiser plusieurs réseaux sociaux ou plateformes.

Parmi ses nombreuses recommandations, le HCE conseille donc d'étendre la définition du délit de harcèlement pour couvrir le problème des "raids", soit la publication par plusieurs auteurs différents de propos proférés une seule fois à l'encontre d'une même personne. Actuellement, la loi prévoit que le harcèlement est constitué quand un propos ou un comportement est répété par une même personne. Le HCE souhaite aussi que ces raids soient considérés comme des violences en réunion et deviennent une circonstance aggravante. 

Campagne de sensibilisation et prise en charge à 100%

En filigrane, le rapport du HCE met ausi en lumière la nécessité de soigner les victimes de ces violences. "C'est aussi dangereux que les autres types de violences pour la santé physique et psychique des victimes", souligne Ernestine Ronai. Le HCE recommande de former les professionnels de santé, et d'assurer la prise en charge à 100% par l'Etat du suivi médical des victimes. Il appelle enfin à la mise en place d'une campagne de sensibilisation pour améliorer la prévention et rappeler aux agresseurs ce qu'ils risquent sur le plan juridique. Mais aussi à réaliser une enquête de victimisation sur ces types de violences en particulier, afin d'avoir des chiffres précis.

Charlie Vandekerkhove