Face à une "situation dramatique", les professionnels de la psychiatrie manifestent à Paris

Les professionnels de la psychiatrie lors d'une manifestation à Paris, le 6 septembre 2018. - Philippe LOPEZ - AFP
"Pour une psychiatrie humaniste": médecins, infirmiers et autres personnels des établissements psychiatriques ont manifesté un peu partout en France ce mardi. Plusieurs organisations ont également appelé à cesser le travail pour dénoncer le manque de moyens.
"Parent pauvre de la médecine"
Bravant la neige, des dizaines de soignants sont descendus dans la rue à Paris, de la place de la République vers l'Assemblée nationale. Une “convergence des luttes" s’est effectué entre plusieurs collectifs dont "Pinel en Lutte"; "la Psychiatrie parisienne unifiée", des syndicats de psychiatres (SPH, USP), Sud Santé et la CGT.
La mobilisation parisienne s’ajoute à d’autres mouvements sur le territoire: une grève à Rennes et à Amiens, une grève de la faim à Rouen ou encore une occupation du toit des urgences psychiatriques au Havre.
L’objectif est “d’alerter la population de la situation dramatique de la psychiatrie publique". Une discipline que la ministre de la Santé Agnès Buzyn a elle même qualifiée de "parent pauvre de la médecine" et qui souffre d'un manque d'attractivité et d'effectifs.
2 infirmiers pour 30 patients
"On veut suffisamment de personnels pour pouvoir écouter les patients et éviter des situations dramatiques où l'on se retrouve contraints de les enfermer, de les contentionner", déplore Oriane Cayard, infirmière au GHU Paris psychiatrie et neurosciences.
Avec deux infirmiers pour trente patients, elle dénonce le ratio trop faible de personnel et une "dynamique industrielle" qui pousse à faire sortir les patients le plus rapidement possible pour libérer des lits au risque de les voir revenir "parce que le travail de fond n'a pas été fait".
L’infirmière critique également un recours "plus facile au médicament" qu'à la médiation thérapeutique. "Les personnels ont l'impression d'être là pour donner des médicaments et faire du gardiennage", en contradiction avec leur "vocation", analyse le professeur Antoine Pelissolo.
"État d'urgence républicaine"
Le personnel soignant pointe aussi du doigt les délais d'attente importants pour des consultations et le manque de places d'hébergement dans les centres médico-sociaux, qui contribuent à l'engorgement des services. Une carence que l’on retrouve dans le nombre de lits de psychiatrie générale à l'hôpital, qui a baissé de 60% entre 1976 et 2016 selon l'Igas.
Les psychiatres, mal répartis sur le territoire, fuient l'hôpital public, où "30% des postes de praticiens hospitaliers sont vacants", d'après le président du SPH, le Dr Marc Bétremieux. Enfin, tous critiquent le financement des établissements psychiatriques, inégal selon les régions. L'Union syndicale de la psychiatrie estime que la discipline est aujourd'hui "en état d'urgence républicaine".
Un cri d'alarme entendu par Agnès Buzyn. La ministre des Solidarités et de la Santé a indiqué lors d'une conférence de presse ce mardi à la mi-journée qu'elle annoncerait jeudi le "renforcement de certaines mesures" récentes en faveur du secteur.