Solution ou fausse bonne idée? Le gouvernement lance sa concertation sur le congé de naissance

La maternité affecte davantage la carrière des femmes que celles des hommes. Ces derniers ne sont que 12% à modifier leur implication professionnelle après la naissance d'un enfant. - Mychèle Daniau - AFP
Un nouveau congé, mais pour quel résultat? Le gouvernement lance ce mercredi 15 avril une concertation avec syndicats, patronat et associations sur le "congé de naissance" qui pourrait s'appliquer à partir de 2025 en remplacement de l'actuel congé parental.
Ce nouveau dispositif porté par la ministre en charge des Familles, Sarah El Haïry, a pour but d'enrayer la chute historique de la natalité, favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes et renforcer l'implication des pères dans l'éducation.
Pour de nombreux syndicats inquiets, le risque est "de supprimer une bouée de sauvetage pour beaucoup de parents", a confié à BFM Business la vice-présidente de la CFTC, Pascale Coton.
Lors d'une interview à la Tribune Dimanche, le 12 mai, Sarah El Haïry explique la volonté du gouvernement.
"Le recours au congé parental s’est effondré. Aujourd’hui, il donne droit à un forfait mensuel de 448 euros sur 3 ans maximum. C’est trop peu. Sa durée est longue" a-t-elle déclaré à l'hebdomadaire.
Avec le dispositif actuel, les mères ont droit à un congé de maternité rémunéré de 16 semaines (26 semaines à partir du 3e enfant) et les pères à 28 jours de congé (naissance et paternité) rémunéré.
Ensuite, ils peuvent actuellement recourir à un congé parental, indemnisé par la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) à hauteur de 448 euros par mois. Il peut être pris à temps partiel et permet de garder un pied dans l'entreprise, l'employeur ne pouvant pas le refuser. Il est pris dans près de 94% des cas par des mères.
Un tiers des personnes interrogées par l'Ifop à l'été 2023 aurait voulu un enfant de plus, mais y a renoncé. La moitié affirme qu'elle aurait changé d'avis si l'un des partenaires avait eu les moyens de prendre un congé parental.
Le taux de fécondité s'est établi à 1,7 enfant par femme, alors que le désir d'enfants s'établit à 2,3 par Français, selon une enquête Verian pour l'Unaf en novembre 2023. Une baisse historique de la natalité a été enregistrée en 2023: le nombre de naissances a reculé de 6,6%, pour s'établir à 678.000 bébés, c'est le taux le plus bas depuis 1946.
Ces chiffres avaient convaincu, début janvier 2024, Emmanuel Macron de créer ce congé de naissance en vue d'un "réarmement démographique". Derrière lui, le gouvernement vante un nouveau droit pour les classes moyennes.
Trois mois à 1.900 euros
Précisés par le chef de l'Etat dans un entretien au magazine Elle, les contours de ce futur congé de naissance ont été esquissés la semaine dernière. Le père et la mère pourront s'arrêter trois mois chacun, durant la première année de l'enfant. Il leur sera versé 50% de leur salaire, au maximum 1.900 euros.
Ils pourront prendre ce congé parental ensemble ou successivement. Ces trois mois viendront s'ajouter aux 16 semaines du congé maternité et aux 25 jours calendaires du congé paternité, tout cela devant forcément être pris avant le premier anniversaire de l'enfant.
Ce congé de naissance "va responsabiliser les pères et permettre plus d'égalité entre les parents dès la naissance", a-t-il affirmé à Elle. Les études prouvent en effet qu'après la naissance d'un enfant, les femmes sont davantage submergée par la charge mentale que les hommes et que leur épanouissement au travail est plus délicat.
Tout en saluant le nouveau dispositif annoncé par le gouvernement, l'Union nationale des associations familiales souhaite que, pour autant, "l'indemnisation d'un congé parental perdure jusqu'à l'entrée en maternelle, car il répond aux besoins de certaines familles".
En effet, dans le nouveau dispositif prévu, les parents qui n'ont pas de solution de garde après les un an de l'enfant, ne seront plus indemnisés car le congé parental prévoit d'être supprimé.
"Ce congé de naissance répond aux demandes des parents de passer plus de temps avec leur enfant. Mais raccourcir le congé parental met les gens en difficulté s'il n'y a pas assez de modes de garde disponibles", souligne Helène Périvier, présidente du Haut conseil de la Famille (HCFEA).
Quels modes de garde après les un an de l'enfant?
Le problème des modes de garde pourrait se poser très rapidement, en cas de suppression du congé existant car il manque actuellement dans l'Hexagone 200.000 places d'accueil de jeunes enfants.
Et en créer coûte cher et prend du temps. A titre d'exemple, une place de crèche coûte environ 20.000 euros à la collectivité. Sur ce point-là, la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles précise qu'en parallèle de ce congé de naissance, "six milliards d'euros supplémentaires vont être investis d'ici à 2027 pour développer les crèches, le secteur des assistantes maternelles et l'ensemble des modes d'accueil".
Plusieurs syndicats ont par ailleurs assuré à BFM Business que lors des discussions sur le sujet avec Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités, à aucun moment il n’avait été question de supprimer l’actuel dispositif.
Risque de décevoir
De plus, les conditions de ce nouveau congé sont déceptives par rapport aux préconisations qui avaient été faites en amont. Dans leur rapport remis en novembre dernier, la députée Renaissance Michèle Peyron et la socialiste Isabelle Santiago conseillaient en effet d'instaurer un congé parental non pas de six mois, mais d'un an, à partager entre les deux parents et rémunéré non pas à 50%, mais 67% du salaire.
Lors de cette concertation, syndicats et associations espèrent peser pour orienter le nouveau dispositif vers une couverture plus large, mieux rémunérée et plus longue.